Mon portable émet une sonnerie.
Je soupire et garde mon sac sous mon bras pour le regarder. Je cligne des yeux. Mon rendez-vous ! Je ne dois pas l’oublier ! Un sourire revient sur mon visage. J’ai tant de choses à lui dire. J’arrive à la caisse, je déballe mes affaires. J’ai fait quelques courses… Mon frigo commençait à être bien vide. A cette idée, je passe une main le long de mon ventre rebondi dans un soupir. Je suis trop gourmand. Grignoter m’occupe l’esprit, les mains. Cela m’aide à combler mon temps libre, mon ennui, ma solitude. Et puis… mes petits kilos superflus ne sont pas si gênants que ça. Exceptés pour ma garde robe ou bien quand je sens… les regards moqueurs sur moi. Oui, mes kilos superflus ne sont pas gênants pour moi, mais pour les autres. Ils me jugent. Ils détournent les yeux, chuchotent sur mon passage, m’accordent des regards de reproche, des regards emplis de moqueries, des regards débordant de mépris. Leur attitude brisent la confiance que j’essaye de me construire. Ils me nuisent. J’essaye de ne pas y accorder d’attention, mais c’est parfois… très difficile. Plus encore une fois que je suis seul chez moi, glissé dans mon lit, dans des draps froids. Quand je passe parfois une journée sans un sourire, sans un échange.
Quand j’essaye d’aborder quelqu’un, ne serait-ce que pour discuter, on se recule, on s’inquiète. On se demande ce qu’un vieux comme moi peut bien vouloir. Avec mes cheveux gris, mes rides, mes vêtements sobres. Les filles ? C’est pas mon genre. Je suis plutôt… hm… porté sur les hommes. Sur un homme, maintenant. Je rougis à cette idée et je redresse les yeux quand je dois payer à la caissière mon dû. Je range mes affaires dans mon sac et je m’empresse de rentrer chez moi. Alors que je range mes courses, je jette une discrète œillade au miroir qui me renvoie mon reflet. Celle d’un homme d’un bon mètre 80 voire 90, aux épaules solides, aux cheveux poivre et sel un peu trop longs, aux traits las et fatigués. Aux yeux bleus, naturellement doux. Aux lèvres usées, fines et discrètes, dissimulées sous une barbe épaisse. Mon dos est bien développé, mais il est vrai que la veste ample que je porte ne me met pas en valeurs. Je vais me faire beau. Je dois aller chez le coiffeur. Et pas n’importe lequel.
Un qui saura redorer mon blason.
Qui m’aidera à prendre confiance en moi. A me sentir… un peu plus beau, assez pour oser des vêtements plus proches du corps, assez pour avoir le courage de parler spontanément aux gens que je croise. Assez pour ne plus baisser les yeux avec honte quand l’on me dévisage avec dégoût ou froideur. Je passe un court instant sous la douche pour me laver de fond en comble. Je n’aime pas aller chez le coiffeur avec des cheveux sales. Quand j’en sors, j’opte pour un débardeur noir sur lequel je referme soigneusement une chemise blanche à carreaux. Je la ferme soigneusement et j’enfile un simple jean. Je frotte mes cheveux et m’ébroue en fin de compte. Je récupère ma besace que je ferme autour de ma taille puis je me mets en route.
Je pourrais perdre du poids. Mais je n’en ai pas l’envie. Je me sens bien comme je suis. Je n’ai pas envie de changer car les autres ne m’acceptent pas comme je suis. Pour autant, je suis le premier à me plaindre de ne pas être accepté.
Est-ce le temps qui joue sur ma mauvaise humeur ? En effet, le ciel est noirci. L’air est humide. Assez pour me faire sentir quelques douleurs dans le dos et dans certaines de mes articulations. Je masse mon épaule avec l’une de mes grandes mains, je la fais un peu jouer alors que j’entre dans le centre commercial. Avec ma carrure, je n’ai aucun mal à me frayer un chemin parmi la foule. Bien souvent, de jeunes ados ou une personne âgée se faufilent à ma suite pour pouvoir avancer sans difficultés. Je cherche la boutique. Celle où je vais bien… une fois par mois.
_ Bonjour, je souhaitais voir Queen…
Je souris à l’employé que je viens de croiser. Un sourire simple et bête…
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