Rencontre fortuite [ft. Loan]

Androgynous Sass

Trouver un cadeau, en voilà une idée merveilleuse. À cette seule pensée ironique, je ne peux retenir un soupir alors que j’entre dans une énième boutique du centre commercial. Ce soir est organisé au Neon Milk une fête d’anniversaire pour le propriétaire, qui se trouve être également un très bon ami. Seulement, comme toujours, je m’y prends à la dernière minute pour l’achat de son cadeau et puisque je ne suis pas capable de déléguer, je me colle moi-même à la tâche. Une très lourde tâche puisque je n’ai aucune idée de ce qui pourrait bien faire plaisir à un homme comme lui. Nous sommes amis, certes, mais rarement en dehors du travail et c’est ce dont je suis en train de prendre pleinement conscience. Je réalise également que porter des talons aujourd’hui n’était sans doute pas l’idée la plus judicieuse que je puisse avoir.

Accompagnant mon soupir ennuyé, je passe une main manucurée dans mes cheveux laissés aujourd’hui au naturel. Il ne me reste plus que le dernier étage du centre-commercial à parcourir et j’espère qu’il cache mon graal quelque part, il est hors de question que j’aille ensuite dans un autre lieu d’escapade monétaire. Feignant et, je l’avoue, souffrant terriblement à cause de mes chaussures sublimes mais peu confortables, je me dirige vers l’ascenseur. Il est certain que je pourrais choisir la vingtaine de marches à ma droite et que ce serait sans doute plus rapide, mais la facilité me tend les bras d’une manière trop amicale pour que je refuse.

Il me faut deux minutes pour arriver à l’appareil et à peine une seconde pour presser le bouton d’appel avec assistance. Ces petites boîtes ont beau me rendre un grand service, elles provoquent toujours en moi l’imbécile appréhension quant à leur potentiel arrêt soudain. Après un laps d’attente très réduit, l’ascenseur se stoppe devant moi et les portes me dévoile un habitacle déjà habité. Levant les yeux au ciel, j’entre et presse le bouton de l’étage supérieur, prenant garde à ne pas me trouver trop prêt de la personne déjà présente. Une personne qui est malheureusement loin de m'être inconnue. Elle est comme moi assez particulière, très androgyne. Si je ne sais trop comment la définir, elle sait comment s’en prendre à moi, comment me piquer. Tant et si bien qu’une sorte de compétition très puérile mais très divertissante s’est installée entre nous deux. « Tu te trompes de destination, les vêtements pour femmes sont au premier. Quoi que... Tu pourrais sans doute te vêtir de rideaux. Au vu de ce que tu portes aujourd’hui, ce serait déjà une amélioration. »  Déclarais-je en toisant l’androgyne. Non, je ne peux pas attendre avant de lancer les hostilités, puisqu’elles allaient débuter de toute façon, autant que ce soit de ma bouche.

Loan & Queen

Rencontre Fortuite

Une sucette à la pomme dans la bouche, ta démarche toujours aussi discracieuse, ta seule raison valable d'être entrée au centre commercial ; lieu que tu trouves, on va pas se mentir, plutôt ennuyeux – et c'est un euphémisme – est ton amour pour les sucettes. Un sac empli de ces bonbons trop sucrés et quelques paquets de clopes, tu n'as pas tellement d'autres intérêts. Les vêtements comment dire, tu as quatre ou cinq ensembles, tu les relave et basta, on en a fini. Même s'ils sont troués, ou que les traces noires dues au sol ne s'enlèvent pas au lavage, ça ne te choque absolument pas, Loan ; tu ne les regarde qu'à peine, tu sors comme ça, sans passage devant le miroir. Alors oui, un maigre coup de peigne, un pantalon tavelé, et un sweat de deux fois ta taille dans lequel tu nageais, et, basta. Le confort avant tout, hm ? Le reste ne t'intéresse pas ; mais il semble intéresser d'autres personnes.

Comme... « lui ». Oui, « lui », avec de jolis guillemets que tu t'amuse à reproduire avec les doigts quand tu parles. Souvent accompagnés d'un certain sourire, d'ailleurs. Mais – là n'est pas le sujet. Cette fameuse personne, qui ne te ressemblait que dans sa singularité, tu la retrouves aujourd'hui. Ah, ça s'annonçait amusant ; mais tu pensais cela sourire aux lèvres et soupir intérieur. Mais, ce n'est que le temps qu'une descente en ascenseur, non ? Ou, d'une montée – mais ça ferait ch*er, Loan veut sortir de cet endroit pourri qu'est le centre commercial au plus vite. D'entrée dans la boîte trop serrée que pourrait être un ascenseur, tu arrives à pattes d'éléphant et appuie sur le « 0 ». Et, sans aucune discrétion Loan, tu le regardes. De haut en bas, un sourire entre l'exaspération et l'amusement, tu t'amuses de sa tenue, de ses chaussures – ces chaussures, bordel – et de sa dégaine. Et tu ouvres déjà la bouche pour lâcher la première hostilité quand elle – pardon, il – te devance. Et tu te contentes de rigoler un peu, sans discrétion. « Je te rassure, je ne compte pas changer. Surtout que je n'ai ces vêtements que depuis cinq jours, donc, j'ai encore une certaine marge non ? » Bon, d'accord, ça en faisait que quatre en vrai. Non, tu n'étais pas une reine de l'hygiène, les douches, tu les prends par obligation de ta colocataire, tu trouves ça trop chi*nt, même si à l'intérieur on doit t'obliger à sortir en t'engueulant sur le montant de la facture d'eau. « Et toi, tu te débrouilles avec ces échasses ? J'mal pour toi, tu veux vraiment tuer tes pieds ? Ta testostérone est déjà morte, laisse toi tranquille un peu. » As-tu seulement remarqué, Loan, que l'ascenseur venait de s'arrêter entre deux étages, sans ouvrir ses portes ?

Androgynous Sass

Bien sûr, le physique et les vêtements sont les seules choses que je peux attaquer, et sur lesquelles elle peut rétorquer puisque nous ne nous connaissons en réalité pas le moins du monde. Bien que j’ai de grandes tendances à me fier à ma première impression et me faire une idée précise de la personnalité de quelqu’un sans avoir besoin de la connaître, je ne m’abaisserais pas à insulter quelqu’un que je ne connais pas personnellement sur ses habitudes ou sa façon d’être. Elle ne le fait pas non plus, enfin, si l’on ne compte pas ses attaques sur mon manque de virilité qui sont très loin de m’atteindre puisque je suis le premier à dire que la nature m’a servie plus d’œstrogènes malgré le fait qu’elle m’ait donné un pénis.

Bref, lorsque la jeune femme me répond, je la toise de haut en bas, puis de bas en haut. « Lorsque tu dis ne les avoir que depuis cinq jours, j’ose espérer que tu me signifie les avoir acquéris il y a cinq jours et non que tu… » Je grimace à la simple pensée qu’il soit possible d’effectuer ce que je vais ensuite énoncer « les portes depuis cinq jours. » Je termine, grimace toujours bien présente sur mon visage. Bien sûr, mon adversaire ne se laisse pas facilement devancer et elle attaque immédiatement après ma tirade ; attaque à laquelle je réponds en lâchant un léger rire. « Mes pieds se portent très bien et en ce qui concerne ma testostérone, elle sera toujours plus présente chez moi que l’œstrogène ne l’est chez toi. »  Je réplique en tentant de ne justement pas penser à la douleur belle et bien présente au bout de mes jambes. Ma réflexion est cependant interrompue par une constatation des plus dérangeante. « Non. Non, non, non, non, non. » Je répète en appuyant machinalement sur le bouton du dernier étage et ce à multiples reprises. L’ascenseur ne peut pas s’être stoppé entre deux étages, c’est une blague, c’est un cauchemar, une illusion. « Mais fais quelque chose toi ! » Je m’exclame alors à l’encontre de Loan qui me semble encore plus molle qu’à son habitude. Je sais qu’il faut parfois ne pas tout prendre à cœur et être flegmatique, mais comment est-ce possible de ne pas paniquer dans une situation comme celle-ci ?

Loan & Queen

Rencontre Fortuite

Tu emets juste un gloussement quand tu vois la personne en face te déshabiller du regard. En réalité Loan, tu ne sais même pas si tu trouve cette situation amusante ou désespérante. Se retrouver dans le même ascenseur que lui, c'était à la fois répugnant et la promesse d'une bon sketch. Il ne te fallait pas beaucoup pour partir en fou rire, c'était vrai, mais alors avec Queen, c'était quelque chose. Pourtant, c'était pas forcément joyeux entre vous, mais c'est ça qui était amusant. Et quand il te regarde, quand sa grimace arrive au milieu d'une phrase, quand toi tu pouffes encore un peu parce que le dégoût dans ses yeux. « J'ai plus acheté de nouveaux vêtements depuis des lustres, tu sais » donnes tu comme réponse. Tu ne vois pas trop l'intérêt d'acheter des fringues ou d'en changer tous les jours, tant que ça pue pas trop, ou que l'odeur peut être masquée par du déo – bien que tu déteste le déo alors t'en met pas tellement en fait – ça passe sans problème, non ? Bwarf, mais après, évidememnt que quelqu'un comme lui allait penser l'inverse... Vous êtes tellements opposés que c'en est hilarant, en tout cas Loan, toi, ça te fait rire.

Et peut-être un peu plus au moment ou tu constates que l'ascenseur est en arrêt. On aurait pu dire un rire nerveux, peut-être, mais Loan, tu étais tout sauf nerveuse, et si ta voix ne tintait pas d'un rire totalement déconnecté ; tu te rendais compte de la vérité suivante. Tu étais coincée dans un mètre carré d'espace, avec la personne en face. C'était hilarant comme situation, en réalité, comme les quelques secondes qu'il fallait pour traverser les étages n'avait pas suffit à enclancher des paroles amères entre vous, il a fallu que ces secondes se transforment en... Quoi ? Pour combien de temps allez vous rester ici ? Tu n'en sais rien. Tu t'esclaffe juste comme l'imbécile que tu es quand Queen appuie à répétition sur les boutons, te demandant de faire quelque chose. « Hein ? Mais, tu veux que je fasse quoi ? » Tu rigoles encore, c'est maladif. Mais bon, elle – pardon, il – veut que tu fasses quelque chose, non ? Alors tu saute. Un grand et puissant saut, la cage tremble, mais ne descend pas – fort heureusement –, toi tu rigoles encore, et tu demandes. « Je recommence ? On arrivera peut-être à quelque chose, comme ça. » Tu ne sais toi-même pas si tu es sérieuse ou si tu fais ça pour te moquer de Queen. Mais on peut déjà te voir prendre ton élan pour tenter de sauter encore plus puissamment. « Devrais-je y aller avec ma force de Dauthus ? » Là, par contre, c'est du foutage de gueule.