I need you man ◇ SHASPIC

Mes affaires misent à la hâte dans les premiers sacs qui me sont tombés sous la main, je marche en ville avec des larmes me brûlant les joues et le cœur en morceau. Mak… ma Sofie. Comment est-ce possible de retrouver une personne qui nous était autrefois aussi cher et le regretter aussi amèrement? Non, sérieusement. La plupart des gens ici donneraient beaucoup rien que pour quelques minutes avec l’homme ou la femme qu’ils ont autrefois aimé. Moi, j’ai tout gâché avant même de me retrouver ici et, honnêtement, je n’ai pas exactement arrangé les choses en me retrouvant à Varakes. J’ai aucune idée de ce que je suis censé faire et encore moins où aller. J’peux pas aller chez Wade, j’ai suffisamment abusé de son hospitalité durant les derniers jours. Et, bien que je n’aie pas grand-chose à moi, je ne tiens pas à me retrouver dans la rue à nouveau. Alors c’est vers chez toi que mes pas me mènent Aspic. Mon meilleur ami, mon pote cobra, un des rares gars susceptibles de me comprendre et de m’accueillir sans trop poser de question. Parce que j’suppose que c’est comme ça entre nous. Un regard et on n’a besoin d’aucune parole. Immédiatement en action. Toujours plus efficace ensemble. Bref, t’es ma moitié mec et, ce soir, j’ai terriblement besoin de toi. Alors je monte l’escalier menant à ton appartement et cogne, la tête basse, les joues mouillées et l’estomac dans les talons. Si t’as encore jamais vu un mec complètement vidé, c’est ce soir ou jamais.

Dix heures du soir. Un horaire bien étrange pour se faire interrompre dans sa lecture par la sonnette ! Tu étais dans ton lit, prêt à trouver le sommeil... Prêt afin d'entamer le lendemain d'une mine assurée et fière. Seulement, la situation exigea que tu te lèves... Que tu déguerpisses de tes draps afin d'ouvrir au trouble-fête qui mettait en péril tes missions prochaines. Habituellement, les citoyens de bonne compagnie ne quittaient plus leur logement le soir venue... Ces heures étaient particulièrement dédiées à la débauche du quartier nord, aux meurtres étranges des coins de rues. Tu pris ainsi la précaution de te munir d'une batte de baseball avant de te rendre dans l'entrée... Prenant une grande bouffée d'air, tu ouvris brutalement la porte, arme en main prête à être utilisé !

Tes bras laissèrent rapidement tomber leur défense lorsque ton regard se posa sur le pauvre homme posté face à toi... Dépité, tête basse rivée sur ton tapis de pallier, le garçon n'était pas beau à voir. Cette vision t'irrita d'autant plus que tu connaissais parfaitement ce trouble-fête... Shadow... Ton meilleur ami. Ton plus grand acolyte... Vous n'étiez pas mentalist, mais tous deux aviez la capacité d'évaluer les pensées de l'autre d'un simple regard ! Ici, tes yeux d'experts n'étaient pas nécessaires afin de soulever un problème... Il n'allait pas bien et c'était évident. Nul besoin de paroles, tu le pris par les épaules et le fit rentrer sans hésitation chez toi. Ton hôte ainsi assis sur le canapé du salon, tu prépares rapidement un chocolat chaud. Le chocolat était en soi un petit médicament de l'âme ! Tu retournes près de Shadow en lui servant une tasse : « on évitera l'alcool aujourd'hui hein ? » lui lances-tu sur un ton humoristique mais compatissant... Tu t'assieds sur le fauteuil face à lui, bras croisé. Nul besoin de mots, tu attends ses explications.

La porte s’ouvre sur ta silhouette accompagnée d’une batte de baseball et je jure qu’en temps normal, ça aurait pu me faire rire. Or là, on est loin des temps normaux et je ne peux même pas songer à esquisser un sourire même en te voyant comme ça. Ton expression se décompose en me voyant et j’imagine facilement la tête que j’ai si ça te met dans cet état. Tu m’attrapes par les épaules et m’entraine à l’intérieur. Au moins, je n’ai pas à craindre que tu me laisseras pourrir là, je sais que je suis le bienvenue et, si j’en doutais encore jusque-là, tu viens de me le prouver. Je m’installe sur le canapé et tu disparais dans ta cuisine. C’est simplement moi ou bien ais-je droit un peu trop souvent à ce genre de scène dernièrement? Putain, j’en ai marre qu’on doive s’occuper de moi comme ça. J’suis quoi, un gamin? C’est peut-être ça oui… Tu reviens finalement avec non pas un verre d’eau comme l’avait fait Wade, mais plutôt un chocolat chaud. Tu vises direct dans le réconfortant, j’aime ton style Aspic. « On évitera l'alcool aujourd'hui hein ? » Ouais, ça semble être le mot d’ordre –évité de noyer sa peine dans l’alcool. Pourtant, c’est si facile et si bon… M’enfin, passons.

Tu t’installes face à moi et n’ajoute rien, attendant simplement que j’ouvre la bouche pour tout  t’expliquer. Quant à moi, j’essaie d’empêcher mes larmes de couler ainsi comme si mes yeux avaient une fuite. C’est sacrément gênant, même face à toi qui es plus un frère qu’un ami. Je prends donc la tasse entre mes mains, réalisant que je n’avais toujours pas lâché les ganses de mes quelques sacs, les traces de ces dernières bien imprimées dans mes paumes. « Mak m’a foutu à la porte de l’appartement…. C’était elle, ma Sofie.» Je m’étouffe pratiquement sur ce dernier mot, ce prénom que je ne croyais pas avoir la chance de prononcer de vive voix un jour et pourtant, il me brûle la langue encore plus que le chocolat que tu viens de me servir et que je m’empresse de boire afin d’étouffer la douleur qui grandit en moi et, peut-être même, de faire passer la boule que j’ai dans l’estomac.

Tu attends ses explications, posé mains croisés sur le fauteuil près de ton canapé. Tu es courbé, le regard insistant mais compatissant. Tu n'as décidément jamais vu Shadow dans cet état. Il peine à boire, à parler... Ne serait-ce qu'une phrase venait de faire dans sa gorge l'effet d'une bombe ! Tu eus un rapide et mince sursaut d'incompréhension. Le mal-être, tu savais ce que c'était, mais que cela provienne de ton ami -de ton frère-, de façon aussi dense te mettait particulièrement mal à l'aise... Tu repris ton regard sérieux après l'effet que venaient de faire les quelques mots de Shadow sur ton expression. Il ne devait pas te voir flancher ! Il avait besoin d'aide, tu devais avoir l'air assuré, prêt à n'importe quoi. En l'occurrence, la pente que ton frère vivait était plutôt raide. Une main de fer devait être de mise afin de l'en dégager, et tu serais cette poigne !

Makfire devait avoir une raison extrêmement personnelle afin de jeter le pauvre Shadow dehors... L'affaire devait remonter au-delà de son agression. Mak n'avait pas même souhaité mettre au courant son colocataire pour l'attaque. « Ta Sofie ? Tu veux dire, la Sofie... Oh... » tu t'arrêtes avant de gaffer... L'histoire ne t'était pas inconnue, mais il était vrai que tu n'étais désormais plus au goût du jour avec les secrets de Shadow. Pas question de lui infliger ta gourderie et les mots que tu lâchais souvent de travers... Pas en cet instant ! Tu devais être calme, et faire preuve d'habileté. À vrai dire, la parole, c'était ton fort. Si le combat ne te disait que trop rien, tes mots étaient bien plus puissants. Ils pouvaient agir tel un soin, ou tel un poison... « Et... Qu'as-tu fait? Toi ? ». Tes dires sont légèrement timides. Il fallait dire que la question était pointilleuse. « Sache que tu peux t'installer ici le temps que tu veux ! » lâches-tu afin de le détendre dans les réflexions que tu lui incites... Si Shadow sombre dans quoi que ce soit, tu auras perdu dans ton rôle.