you ask (mures)

you ask

Agenouillée devant la toilette, ses doigts tremblants frôlent le bol froid à la recherche d'une fraîcheur rassurante pouvant la ramener les deux pieds sur terre. Elle tire la chasse et des larmes roulent sur ses joues. C'est une routine, que de s'enfermer dans la salle de bain après chaque repas. Bien qu'elle vive seule, elle a pris l'habitude de fermer et de verrouiller la porte, par peur d'être découverte. Une peur qui la prend aux tripes, tellement qu'elle a honte de ce comportement. Il lui arrive de rester assise pendant de longues minutes sur le carrelage, à regarder droit devant, perdue dans un vide tourbillon d’émotions. Lorsqu’elle décide enfin à se lever, c’est comme si tout ça n’était qu’un part de son passé. Ironique, n’est-ce pas? Puisque son passé, elle n’en n’a pas. Elle n’en n’a plus. Elle se brosse les dents rapidement et sort de la scène du crime. Elle referme la porte derrière elle pour oublier que la pièce même existe, et se dirige vers le sofa, sur lequel elle prend place. Elle envoie un texto à Heracles, afin de l’inviter à passer la soirée chez elle. La nuit, plutôt. La soirée étant déjà bien entamée, son téléphone affiche vingt-deux heures quarante-trois. La journée ayant été dure, elle s’assoupit un moment, histoire de reprendre des forces et d’oublier les dernières mauvaises heures. C’est calme, serein. Elle profite de ces rares moments de silence, histoire de s’apaiser et de se questionner. Elle prend le temps de prier, aussi, son pendentif entre les doigts, comme à son habitude. Soudain, elle entend un craquement sourd provenant de la cuisine. Prise de panique et entendant des pas, Muse accoure dans sa chambre et attrape le bâton de bois caché sous son lit. Elle s’en arme et enlève ses chaussures pour couper tout bruit pouvant la faire repérer par l’imposteur. Armée de courage, elle s’avance vers la provenance du bruit. Puis, silence. Puis, un craquement. Elle sent l’air frais s’abattre dans la pièce, indice qu’une fenêtre a été ouverte. Elle pousse finalement un cri de colère et de terreur, soulevant le bâton dans les airs pour tenter de l’abattre de toutes ses forces sur l’intrus, mais… S’arrête à mi-chemin, à quelques centimètres à peine d’un visage pas du tout méconnu. En colère, elle s’écrie en lâchant son bâton au sol : «Putain Heres! M’refait plus jamais ça. T’as pas appris à utiliser la porte comme tous les gens civiliés?!» Elle lui en veut. Immédiatement, elle passe derrière lui et referme à la volée la fenêtre ouverte et la verrouille immédiatement. Elle fait de même avec toutes les autres fenêtres et la porte d’entrée. «Tu sais comme j’ai horreur des surprises…» Le cœur battant à cent mille à l’heure, elle essaie de se calmer, tant bien que mal.

you ask

Les surprises, elle déteste. Muse a toujours de loin préféré être en contrôle de la situation. Ça lui donne du pouvoir, ça lui apporte la certitude qu’elle ne se mettra pas les pieds dans un piège. Elle est toujours alerte, toujours sur le qui-vive, prête à répliquer, prête à se défendre. Malgré tout, elle est effrayée. Tout le temps. Totalement. C’est épuisant, d’être sur ses gardes chaque seconde de sa vie, dans l’attente qu’un malheur nouveau ne survienne. Elle appréhende, et c’est malsain. Les apparences sont souvent trompeuses, et Muse se sauve souvent la peau des fesses grâce à elles : les apparences. Ce petit bout de femme est un véritable soleil sur pattes. Toujours de bonne humeur, c’est une amie toujours présente. Elle a un visage angélique que tous trouvent craquant. C’est à s’y confondre. Le soir, lorsqu’elle est seule, complètement seule, c’est là que tout va mal. Qu’elle se perd dans ses démons, dans les horreurs que sa tête met en scène. Mais jamais, au grand jamais elle ne laissera transparaître ces faiblesses à quiconque. Une fois la porte verrouillée, Heres l’attire à lui. Elle se laisse faire, mais lui donne un coup sur l’épaule, pour la peine. «Avant que tu rentres par effraction chez moi, j’avais un sourire sur le visage j’te ferais remarqué. Alors oui, c’ta faute.» C’est faux. Avant qu’il arrive, elle s’faisait vomir, mais ça il ne le sait pas. Et il ne le saurait pas, non plus. Pour le convaincre, elle pose son front contre son torse, là où elle arrive : puisqu’elle est plus petite que lui, et murmure d’une voix convaincante : «J’ai juste eu une grosse journée au boulot. Des blessés retrouvés un peu partout dans les rues. Les choses ont fait des ravages, la nuit dernière..» C’est en parlant des monstres, de ces créatures ignobles et destructrices, dont elle parle. Inutile de s’étaler sur le sujet. Elle enroule ses doigts autour du poignet de Heracles et le tire avec elle sur le sofa, devant la télévision. «T’as envie d’regarder un truc à la télé?»

you ask

Elle se blottie contre lui sans trop se faire prier. Aussi contradictoire cela puisse-t-il paraître, ça la rassure de ressentir ce contact humain, d’être dans les bras d’Heres. À l’exception d’Hypnos, il n’y a peut-être qu’Heres pour la toucher sans que ça ne lui cause trop de problèmes. Généralement, elle évite tout contact, allant de l’effleurement à l’intimité. Ça lui est plus facile ainsi, que d’avoir à gérer les émotions, les sentiments et les pensées des autres. Muse ne sait pas trop comment il fait pour la bloquer, mais elle ne parvient pas tout à fait à pénétrer dans sa tête, comme si une barrière l’en empêchait. Après tout, elle ne cherche pas à la déjouer, cette barrière. Elle n’en n’a pas envie, tout simplement.  « Je ne dis pas non, je la regarde jamais, ça va faire changement. » À la télévision à Varakes, il n’y a que très peu de postes. Que des chaînes locales, rien qui porte sur l’extérieur de ce dôme, rien qui ne le renseigne réellement sur ce qui se passe ici, et ailleurs. Muse s’est faite à l’idée, elle prend même plaisir à regarder les chaînes locales, bien que répétitives. Parfois, quelques films jouent, rien d’extravagant, mais assez pour divertir et briser le silence. «J’suis contente de te voir.», dit-elle en allumant la télévision. Ça la rassure qu’il soit là, qu’il soit contre elle. S’il lui a fichu la trouille d’abord et qu’il n’a pas été très brillant, ça n’empêche pas Muse de tenir à ce grand bout d’homme. Les doigts de la jeune femme glissent dans ceux d’Heres, les doigts de sa main droite. Elle sent le tremblement constant, alors elle effectue une légère pression pour qu’il sente bien sa main dans la sienne. «Ça t’fait mal…?», souffle-t-elle, curieuse en lui souriant faiblement.

you ask

Il a dix-sept ans de plus que la jeune femme. Elle est bien jeune, comparativement à lui et pourtant, la différence ne paraît pas dans leur drôle de relation. Elle est mature et facile à vivre. Lui, il a une expérience de vie qui le rend unique et ça plaît à Muse, qui perçoit en lui un véritable ami. C’est dans la simplicité que s’est formée cette amitié, et rien n’est jamais compliqué entre eux. Les images défilent sur l’écran lumineux, mais rien ne semble les intéresser. À zapper les quelques postes offert, la jeune femme ne trouve pas plus son bonheur ailleurs et finit par hausser les épaules, las. «Pas déçu? Un peu d’enthousiasme ne serait pas trop demandé…», dit-elle en riant, alors qu’elle ajoute, sereine : «Allez, avoue-le que tu te languissais de me revoir.» Évidemment, c’est dit à la rigolade. Ils ne se voient pas si souvent, mais il ne se passe jamais bien longtemps avec que l’un ou l’autre envoie un texto à l’autre ou lui téléphone. Muse s’est blottie contre Heres et s’attarde à sa main droite. Ce tremblement perpétuel l’a toujours fascinée, mais elle craint qu’il souffre ou que ça le tiraille. «Ça te donne un charme.» Elle lui offre un sourire moqueur, en réponse à son propre sourire. C’est en référence à la main, qu’elle dit ça. Puis, Muse décide de fermer la télévision. Il n’y a rien d’intéressant. Elle s’en veut un peu de l’avoir fait se déplacer jusqu’ici, rien que pour avoir de sa compagnie, alors qu’en réalité elle n’a rien de génial à proposer. «Tu restes ici pour la nuit?» demande-t-elle pour briser le silence, alors qu’elle s’enroule un peu plus dans ses bras. Elle n’a vraiment pas envie d’être seule. Pas ce soir. Aucun soir, en fait.

you ask

« Démasqué. » Vraiment, la compagnie de cet homme, certes plus âgé qu’elle, lui plaît beaucoup. Si au début ce n’était qu’un moyen comme un autre de se trouver de la compagnie pour ne pas être seule quelques nuits, elle s’est découvert un intérêt et une affection pour lui. C’est un homme bon, très charmant, qui comble ses désirs et son plaisir aussi, et avec qui elle n’a aucune difficulté à entretenir la conversation. C’est toujours fluide, presque banal. C’est simple, surtout. Pas de prise de tête. Ils s’entendent à merveille. Bref, Muse l’apprécie beaucoup. À vrai dire, ils ont vraiment appris à se connaître l'un et l'autre. Malgré tout, ils connaissent leur limites et savent lorsque vient le temps de ne pas poser trop de questions. Ils savent lorsqu'il ne faut pas s'aventurer sur une pente glissante. Les lèvres d’Heres viennent se poser sur le dessus de la tête de la jeune femme et elle ferme les yeux sous cet élan de douceur. V’la déjà quelques temps qu’elle ne s’est pas laissée aller dans les bras d’un homme. Il y a des moments où l’envie n’y est pas, simplement. Le sourire d’Heres fait naître celui de Muse. Un fin sourire, amusé et joueur. « Si tu veux bien de moi cette nuit. » Si elle le questionne d’abord, c’est bien parce qu’elle en a envie. Elle se décolle légèrement de lui, pour pivoter et passer une jambe par-dessus le jeune homme. Muse se retrouve à califourchon sur Heres et pose ses mains sur ses épaules. «Tu connais déjà la réponse», dit-elle, armée d’un sourire charmeur, les yeux brillants, l’air espiègle. Muse penche la tête pour déposer quelques brefs baisers dans le cou d’Heracles, puis revient chercher son regard.

you ask

S’il y avait eu un film à la télévision, ou quelconque programme intéressant, ils seraient peut-être demeurés dans cette confortable position, ce genre de cocon douillet. Ses bras la tiennent au chaud, la rassurent et lui font savoir qu’il est là, qu’elle n’est pas seule. Elle redoute la solitude. Ça l’empêche de dormir, le soir. Si bien qu’elle se cherche constamment de la compagnie, agréable ou non. Le double de clé d’Hypnos est aussi très utile. Il lui arrive souvent de se faufiler jusqu’à chez lui avant que la nuit tombe pour squatter chez lui. Ou, si c’est la nuit et qu’elle ne parvient pas à dormir, qu’elle a peur, elle coure en trombe jusqu’à chez lui, redoutant un jour de tomber face à une de ces horribles créatures qui font tant de ravages dans la ville, et se faufile en douce dans son lit, pour dormir à ces côtés. Ce soir, c’est Heracles. Et c’est parfait ainsi. Muse prend l’initiative et se retrouve rapidement à califourchon sur ses genoux. Ils ne sont pas bêtes : ils savent très bien ce qui s’en suit. Ses lèvres douces parcourent le cou d’Heres, et rapidement le jeu est lancé. Il ne lui en faut pas plus pour que ses mains s’attardent sur son corps fin et fragile de femme. Tout son corps frissonne au contact de ses doigts sur sa peau. Un sourire se perd lorsque les lèvres d’Heracles viennent percuter les siennes. Dans un baiser d’abord doux, ta langue cherche à traverser la barrière de ses lèvres sans trop de difficulté. Celle-ci part dans une danse sauvage avec la sienne. Harmonieusement et instantanément, le corps de Muse se met à onduler sous les caresses de ces mains viriles et chaudes. Il serait faux de croire qu’elle est timide. Elle est loin d’avoir froid aux yeux. Alors, elle prend l’initiative de retirer son propre chandail, offrant son buste, son ventre, ses épaules, et une large portion de peau dénudée à la vue d’Heres. «Je crois que c’est définitif… tu restes pour la nuit.», dit-elle dans un sourire, rompant ainsi le baiser un bref instant.

you ask

Elle offre sa peau à la douceur des mains d'Heres. Si elle frissonne au contact de ses doigts, c'est en parfaite contradiction avec la température corporelle qui grimpe à une vitesse fulgurante. Voilà déjà que Muse a retiré son haut. C'est la plus dénudée des deux et ça ne l'intimide pas pour autant. Un nouveau baiser endiablé s'enchaîne aux gestes si naturels, si faciles et si doux. Rapidement et sans un mot, Muse se retrouve allongée sur le canapé, et un sourire vide se dessine sur ses lèvres. Le contact de la bouche d'Heracles, de ses mains sur elle, la vue de son torse nu et légèrement musclé... tout ça n'est que futile. Elle n'y porte que très peu d'attention, comme si son esprit s'était posé ailleurs. Son corps est toujours bien là, mais sa tête n'y est pas. Elle est frappée par des bribes d'un souvenir... Déjà plusieurs mois qu'elle est là et ce n'est que maintenant qu'elle en est frappée. Elle se souvient d'un appartement, d'isolement... Oui, c'est ça. Elle était isolée. Elle a été enlevée. Son appartement, saccagé. C'est flou, nébuleux et pourtant, un court instant, des détails lui paraissent si accessibles, avant de s'envoler. Pouf... Disparus, comme ils étaient venus. Son regard vide et son manque d'enthousiasme a bien dû attirer l'attention d'Heracles. Elle est prise à la gorge par l'émotion, par une peur inconnue et inexplicable. Ce ne sont que des illusions, rien de plus. Si ces sensations ne disparaissent pas de son subconscient, elle ne s'arrête pas pour autant et entoure les hanches de son amant pour le rapprocher d'elle. Elle cogne son bassin contre le sien et l'embrasse de nouveau avec une vigueur surprenante. Les mains de la jeune femme caressent le torse à sa portée. La peau est chaude, douce, invitante. Ses lèvres glissent contre son cou et le parsèment de baisers bouillants, mais tout ce qui lui passe par la tête, ce ne sont que ces tristes souvenirs. Laissez-moi... Je ne suis pas celle que vous cherchez...

you ask

C'est ça, le truc. Le problème avec les pouvoirs, c'est qu'on ne peut en faire abstraction. Impossible d'éviter complètement les contacts humains. Surtout lorsque les barrières tombent et s'effacent, corps contre corps. Ce qui irrite la jeune femme, c'est qu'Heracles puisse lire en elle, qu'il puisse percevoir ses émotions, ressentir ce qu'elle-même ressent et voir les images qui traversent son esprit à une vitesse fulgurante et qui s'enracinent dans sa tête. La voix douce, mais ferme de son ami parvient à ses oreilles, l'incitant à arrêter toute caresse, tout geste plus ou moins sensuel. « T'as pas besoin de faire écran. Je le sais Muse, je suis là. »  Instinctivement, la jeune femme se détache d'Heres. Sans prendre la peine de se revêtir, elle s'éloigne vers la cuisine, histoire de reprendre ses esprits à l'aide d'un café. Elle démarre la machine à café et pose ses mains sur le rebord du comptoir, tête basse. Le contact entre son esprit et celui d'Heracles est rompu, voilà qu'elle est seule avec elle-même. Elle se repasse en boucle les événements nébuleux et brusques de ce souvenir de son passé et serre les poings contre le comptoir, tout juste comme la machine fait le bruit indiquant que le café est prêt. Elle relève la tête et se sert une tasse. D'une voix lasse, elle demande à Heracles: «Tu veux un café?» Tout pour essayer de penser à autre chose, d'oublier ce souvenir et d'oublier qu'il sait, lui aussi.

you ask

Elle ne se sent pas bien. Ces images défilent en boucle dans sa tête et un élan d'agressivité et d'impuissance se mélangent assez pour la mettre dans un état second. Elle est dans la lune jusqu'à ce que la machine à café crie et clignote. Elle se verse doucement une tasse et la tient dans ses mains, histoire de se réchauffer les doigts. Elle supporte mal les images de ce souvenir brusque, agressif et violent. Pourquoi? Pourquoi tant de haine? Tant de violence? Tant de danger ressenti? Elle tremble de tous ses membres et s'imagine quelqu'un rentrer dans son appartement. Elle porte à peine attention à Heracles qui s'assure que la porte est verrouillée. La jeune femme est bien trop perdue dans ses pensées pour remarquer qu'il s'approche d'elle. Ce n'est que lorsqu'il se blottit contre son dos et qu'une certaine chaleur la parcoure qu'elle prend enfin conscience qu'il est toujours là, le bonhomme. Il lui refuse une tasse de café, mais elle ne s'en soucie guère et se concentre plutôt sur ses gestes d'affection. Personne ne rentrera ici. Pas tant que je serai là. » Elle se retourne vers lui lorsque Heres l'y incite et ferme les yeux lorsque celui-ci l'embrasse sur le front. Elle sourit faiblement, mais perd ce même sourire lorsqu'elle voit Heres prendre l'arme à feu qu'il venait de déposer sur le comptoir. Ses doigts glissent sur le poignet de son ami et elle déroule ses doigts de sur le métal pour la lui retirer. "Pourquoi tu traînes ça sur toi...?" Un coup d'oeil à la porte et elle voit le meuble devant celle-ci. Un nouveau sourire se dessine sur son visage. "Merci." Elle dépose un baiser sur le coin des lèvres d'Heracles et se recule, l'observant d'un regard doux. Elle venait de déposer l'arme sur le comptoir, près de sa tasse à café et vient entourer le corps du jeune homme de ses bras. "Ça va?" Elle lui demande ça, alors que c'est elle qui vient de vivre un horrible moment dans sa propre tête. Ironique, non?