Easy medicine ! [ft. Siobhan]

Laugh arpentait les couloirs blancs de l'hôpital. À vrai dire, malgré l'hyperactivité et les ennuies dans lesquels le garçon se mettait, il n'était pas là pour cause de blessure. Bien au contraire ! De petits tracts publicitaires avaient été disséminé dans les commerces, afin d'inciter d'éventuels bénévoles à travailler pour les blessés. Peut-être Laugh avait-il trouvé là une façon de se faire pardonner... Se donner bonne conscience, aux vues du sang qu'il avait eu "l'opportunité" de contempler, depuis son arrivée chez les Dime Lions. Le jeune homme s'était ainsi présenté à l'accueil, grand sourire aux lèvres, afin de ne pas être affecté vers un poste trop ingrat...

La vieille concierge lui indiqua le chemin à suivre à travers le bâtiment, toisant son interlocuteur de haut en bas, comme pour le juger. Toute l'attention de Laugh était désormais focalisé sur l'éventualité de tomber sur un mauvais poste. Après tout, le bénévolat était bien beau, mais si l'activité était attrayante, cela n'en devenait que plus plaisant ! Laugh était ce genre de gars. Toujours prêt à aider autrui, tant que cela restait amusant... Un altruisme assez limité, malgré le haut nombre de bonnes actions que le garçon avait jusqu'alors réalisé.

Laugh s'arrêta, après cinq petites minutes de marche entre les murs crème de l'hôpital. Il se tenait devant une large porte fermée, croisant désormais les doigts afin de laisser la chance jouer en sa faveur ! Le garçon frappa délicatement, avant d'entrer, le plus naturellement possible. Une jeune femme au visage angélique, vraisemblablement légèrement étonnée, se tenait face à lui. Sans attendre, la joie du garçon se fit ressentir : Laugh remercia le destin d'un magnifique sourire à pleines dents, et d'yeux remplis d'étoiles ! Il n'avait pas été affecté en compagnie d'un vieux croulant de docteur ! La chose semblait déjà bien commencée ! « Laugh ! J'suis stagiaire ! Y parait que vous recherchez des gens ! Et puis comme les hôpitaux c'est chouette, bah je me suis proposé ! »

La jeune femme se mit à sourire à la prononciation du prénom de Laugh. Une réaction tout à fait appropriée à vrai dire ! Le garçon s'était senti fier. S'il pouvait attirer la joie par la simple mention de son appellation, la chose n'en devenait que plus utile ! C'était d'autant plus drôle que ce prénom lui avait été donné par des infirmières. Finalement, Laugh revenait là à ses sources, chez les personnes qui l'avaient "sauvés", si l'on pouvait dire ainsi ! Aider à son tour les patients dans le besoin, comme lui avait été il y avait de cela six mois.

La jeune femme se présenta ainsi à son tour : Siobhan ! Un prénom assez atypique il fallait le dire, mais comme tout le monde lui rappelait, il n'était pas extrêmement bien placé pour parler d'étrangeté dans les dénominations... Elle sembla premièrement étonnée des mots qu'avait employés le jeune homme afin de désigner les hôpitaux. Il était vrai que les couloirs de ce genre de lieu étaient la plupart du temps assez mal perçus. « On y fait des tas de rencontres ! Et puis, ce qui est bien ici, c'est que tout le monde a des choses à raconter ! C'est une source inépuisable de renseignements et d'histoires en tous genres ! ». Le garçon était excité. Il pouvait se le permettre, il était tombé sur une ravissante infirmière ! « Je suis bénévole ! On va dire que c'est mon passe-temps, alors je reste là tant que je fais pas de conneries je suppose ! C'est donc bien aujourd'hui mon premier jour. ».

Toujours question de se la jouer prétention, Laugh continua son discours, afin de prouver à son interlocutrice qu'il avait les qualités de servir à autre chose que de servir le café. En effet, le garçon avait eu de la chance de ne pas se retrouver indéfiniment avec un vieux docteur, mais désormais, il s'agissait de s'occuper d'un bon poste... « J'arrive à lire dans les pensées ! » lança-t-il, avant que sa nouvelle "patronne" n'aille chercher des affaires dans la buanderie. « On m'a dit que c'était une qualité ici, alors bon ! ». Il lança ses mots tout en mettant bien en évidence le badge à son nom, grand sourire aux lèvres.

À la révélation de son pouvoir, Laugh sentit soudainement une légère vague de gêne chez son interlocutrice... La jeune femme lui expliqua qu'il était plutôt utile d'user de ce don à l'intérieur de ces locaux, et en effet, le garçon pouvait parfaitement l'imaginer ! Qu'il s'agisse de patients trop souffrants pour parler avec des mots, d'Hommes dans le coma ou de mauvaises personnes ne souhaitant pas divulguer la cause de leurs blessures, lire dans les esprits était un bien magnifique pouvoir ! L'infirmière lui demanda par la suite comment était-ce, de constamment lire les pensées profondes d'une personne... Si la chose n'en devenait pas épuisante. Laugh en était sûr : certains "mentalists" comme cette femme les appelait devaient être devenus fous ! Le garçon avait bien conscience que seul son engouement pouvait permettre à ce don d'en devenir confortable. Un homme tout ce qu'il y avait de plus banal ne supporterait que peu de temps ce flux incessant d'informations, pourtant, Laugh les accueillait toutes à bras ouverts !

« Vous inquiétez pas comme ça ! Je ne m'amuserai pas à lire dans vos penser, je ne suis pas un pervers ! » lança-t-il afin de rassurer son interlocutrice. Retirer un mal à l'aise qui pouvait devenir constant en sa compagnie... Pourtant le message qu'il venait de lui adressait prouvait bien qu'il avait accès, au moins, à une partie de ses sentiments... Un boulet.

« Donc vous appelez ça mentalist ? Je retiens ! Je suis un mentalist ! Personnellement, j'adore ce pouvoir, il est accordé à ma soif de connaissances ! » continua-t-il en accompagnant l'infirmière vers la buanderie. Le garçon suivit ainsi sa patronne afin d'enfiler une blouse blanche légèrement trop grande pour lui. Il retroussa les manches et fit un petit saut, comme pour prouver qu'il était définitivement prêt ! « Mais après tout ! Je suis là pour apprendre non ? Quel est votre programme pour ce matin ? Vous vous occupez de patients ? ». Si Laugh, en tant que mentalist recevez un perpétuel flot de pensées, Siobhan, en tant que patronne du garçon, recevrait elle une multitude de questions...

Siobhan sembla légèrement irritée par les mots de son stagiaire. Sa lecture des pensées n'était pas même utile afin de le deviner, son ton bas et plat laissait explicitement entendre qu'elle n'aimait pas que l'on l'espionne... Qui aimait après tout ? Les Hommes tenaient à leurs secrets, et ce savoir si insidieux pouvait en devenir dangereux. Laugh avait déjà eu affaire à d'autres pouvoirs extraordinaires. Certains Dime Lions avaient démontré leurs capacités à former des illusions face au garçon. Un pouvoir particulièrement puissant, mais ce n'était là qu'une contrefaçon. Une réalité complètement retournée ! Le don des mentalists puisait dans de pures vérités, excitantes et parfois dangereuses. La jeune infirmière continua sur sa lancée, affirmant que trop de connaissances pouvaient être nocives. Laugh avait compris : il n'explorerait pas les pensées de sa patronne... « Il faut savoir se contrôler ! Je... Suppose. » répondit doucement le jeune homme, légèrement coupable. Lui-même semblait plutôt bon, quant au maniement de son pouvoir, mais il était vrai que les petits sentiments ne pouvaient lui échapper, comme une intuition face à son interlocuteur, il comprenait vite les réelles émotions de son entourage...

Siobhan s'en tint ainsi à l'énumération des activités que l'on pouvait pratiquer dans l'établissement. Tant d'aide à autrui auquel Laugh voulait participer ! Sa position était paradoxale. Étant si bien intégré dans les Dime Lions, ami de tous ces barbares, le jeune homme en venait à s'occuper des personnes dans le besoin. Il aimait par-dessus faire des connaissances, se nouer des liens ! Si certaines personnes avaient démontré une réticence à l'entrain trop poussé du garçon, l'altruisme était une bonne façon de se faire apprécier. L'infirmière avait elle aussi trouvé cet attrait pour l'hôpital assez étrange venant d'un garçon si jeune, elle lui questionna sur le sujet, s'attendant presque à un fond insidieux de la part de Laugh... « Je pense que beaucoup de personnes on besoin d'aide dans cette ville ! Et puis, je veux servir aux gens qui se retrouvent comme nous, sans aucun souvenir, apportés d'on ne sait où pour se retrouver ici. Je pense que les meilleures médecins sont ceux qui comprennent leurs patients, non pas ceux qui lâchent des mots vides, des phrases toutes faîtes... De plus, les quartiers nord de Varakes sont extrêmement défavorisés ! Dans le cadre de mon boulot, j'y passe un temps assez conséquent, et je vois beaucoup de gens en attente d'aide. Si j'acquiers un minimum de connaissances ici, je serai en mesure de me faire des tas de compagnons et d'alliés ! ». Un discours pleins de bon sens ! Assez étrange dans la bouche d'un Laugh pourtant si puéril...

Laugh avait réussi à inspirer un peu d'espoir dans le regard de Siobhan ! L'infirmière avait écouté son stagiaire, d'un charmant sourire, dénotant un certain plaisir dans ces mots. Il fallait dire que le jeune homme donnait envie de croire en l'humanité, du moins, son discours si altruiste le laissait penser... Aimer et se faire aimer, telles étaient les pensées de Laugh ! Plus étendu sera son réseau de connaissances, plus solides seront ses compétences et ses forces. Il ne pouvait supporter la solitude. À vrai dire, elle le tuerait.

Siobhan sentait vraisemblablement une attirance autre que la simple aide d'autrui... La jeune femme semblait assez pessimiste. Fallait-il une réelle raison personnelle et insidieuse à l'altruisme ? Toutes les infirmières étaient-elles finalement là dans l'unique but de gagner leur salaire ? Les stagiaires ne venaient-ils qu'ici seulement pour découvrir les mystères derrière cette amnésie générale ? Laugh ne raisonnait pas ainsi. Bien au contraire ! Son envie d'apprendre la raison de son arrivée à Varakes était loin d'être pressante. Le garçon se plaisait dans cette ville, malgré les problèmes, malgré le danger... Siobhan n'avait pas tort : parfois, le savoir pouvait être nocif... « Je n'ai aucune envie découvrir ce qui se trame derrière tout ça ! Je ne suis pas un détective, ni un héros ! Mes intentions ne sont pas de libérer tous ces habitants, loin de là... Qu'est-ce que je peux regretter après tout ? Je ne me rappelle de rien ! Non ! Je souhaite apprendre à être utile ! ». Laugh continua son joyeux discours, les yeux emplis d'étoiles tel un vrai gamin...

Cependant, son gentil jeu n'allait pas durer, du moins, aux yeux de sa patronne. L'infirmière lui posa "la" fameuse question ! Celle-là même ayant le pouvoir de rendre Laugh inquiétant, comme de le décrédibiliser complètement... En cette situation, la réputation qu'il avait portée jusqu'à maintenant aux yeux de Siobhan allait s'effondrer. Quel boulot faisait-il ? Le garçon n'avait pas dans l'intention de mentir, la jeune femme l'aurait bien découvert un jour ! « Vous n'allez pas m'apprécier si je réponds à votre question... » commença-t-il en traînant des pieds. À vrai dire, le garçon n'avait aucun mal à revendiquer son appartenance aux Dime Lions face aux vieux croulants des bars, comme dans les clubs ou les casinos. En un lieu tel que l'hôpital cependant, où la majeure partie des blessés était due à son clan, Laugh semblait plus retissant à l'idée de dévoiler ces informations. « Je travaille pour les Dime Lions ! J'ai beaucoup d'amis là-bas, pas de bonnes fréquentations j'en ai conscience... Ils m'ont proposé du travail parce que je suis un peu un boulet dans toutes les tâches manuelles inintéressantes... Être bénévole ici, ça peut me permettre de pas être si méchant que ça ! Enfin... je crois.. »

Tout comme Laugh l'avait prédit, l'image qu'il venait de donner à son interlocutrice était à jamais terni... Dès la mention de son clan, la chaleur que Siobhan dégageait s'évapora, comme si un semblant d'attendrissement s'était envolé. un long silence résultat de ses dernières paroles. Un blanc angoissant, arrachant un soudain sursaut à Laugh ! Le garçon venait de ressentir un flot émotif provenant de Siobhan... Se retournant brutalement vers sa patronne, il observa son expression perdue. Il ne la toucha pas, évitant de céder à un tic qu'il avait pris durant ses mois à Varakes afin de tenir sa promesse. « Siobhan ? Vous allez bien ? » dit-il timidement, sachant pertinemment que quelque chose clochait...

Pourtant, c'est comme si de rien n'était que l'infirmière reprit la parole. Ses mots étaient devenus grinçants, en totale opposition avec les premières impressions qu'elle avait données à Laugh. Le garçon fronça alors les sourcils... Il ne comprenait pas ce dont sa patronne était rongée, mais si ces démons lui avaient permis de lâcher ce qu'elle avait sur le coeur à son propos, le garçon en était désormais fixé... Siobhan essaya tant bien que mal d'adoucir ses propos, mais ce qui avait été dit n'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Si le jeune Dime Lion était quelqu'un de patient et de nature sympathique, il avait compris en ces mots que rien ne pourrait le dépêtrer de la boue dans laquelle il s'était englué... Peu importaient les actions qu'il entreprendrait, la société ne le jugerait que par sa mauvaise image. C'était là un jeu bien injuste, dont Laugh devait apprendre à s'imprégner... « Alors oui ! C'est bien ce que je pensais... Il vous faudra toujours une raison pour qu'un gars comme moi s'occupe des autres hein . Je ne peux qu'être un trou du cul non . Si je dois faire le bien, ce ne sera que dans une optique de profit ! Après tout, c'est vrai que vous les infirmières, sans l'argent que l'on vous verse tous les mois, il y aurait longtemps que vous auriez déguerpi de l'hôpital pour vous occuper de votre propre poire ! Rejoindre je ne sais quelle organisation afin de gagner un semblant de revenu ! Parce que oui... Nous n'avons pas tous la chance de se réveiller avec un don inné pour l'art, la cuisine ou la médecine... ». Son discours avait soudainement changé de cap, laissant place à un cynisme prononcé envers son interlocutrice... Laugh n'avait jamais parlé ainsi à une personne dont il avait dessein de connaître, et d'apprécier... « Mais... Merci ! Mademoiselle Siobhan ! Je sais maintenant dans quelle cour je joue ! S'il suffisait d'une étincelle comme le vôtre pour devenir si honnête, tout serait plus facile par ici ! »

Laugh était naïf... Un pauvre lionceau au milieu d'une arène de fauves enragés. Pourtant, lui ne l'avait jamais ressenti ainsi. La beauté des choses et la bonté des gens s'étaient toujours montrées plus présentes dans son esprit que les vices et les mauvaises actions. Le garçon aimait tout simplement chaque individu qu'il croisait, ne sachant pas si bien différencier un interlocuteur sûr d'un danger... Le jeune homme avait ainsi sympathisé avec les Dime Lions, ce clan si généreux qui lui avait ouvert ses portes ! Laugh se serait probablement retrouvé à la rue sans l'intervention de ses sauveurs, leur étant ainsi grandement reconnaissant. Ce fut aujourd'hui la première fois que l'une de ses rencontres souleva le paradoxe... Et d'une façon rude dont Laugh n'avait pas pu accepter ! Restant cloitré dans son monde utopique, il ne pouvait voir la réalité en face. Les Dime Lions faisaient le mal, ou du moins, aux yeux d'un grand nombre de personnes... Pourtant, il était là-bas comme chez lui, et ne désirait pas se faire reprendre sur une potentielle culpabilité dont il n'avait pas la charge... Aider les gens était un passe-temps ! Observer le sourire qu'il procurait ! Le pauvre garçon se rendait de mieux en mieux compte que ses efforts ne servaient à rien aux yeux de la population... Dès son entrée en jeu, Laugh avait choisi son camp, et ainsi commencé, il ne pouvait reculer. Il devait jouer, continuer d'avancer, tel un pion... Ainsi laissa-t-il passer l'opportunité d'une nouvelle charmante connaissance, par un caprice enfantin... Siobhan était rapidement partie, définitivement lassé d'un gamin qui se voilait encore la face... Il se sentait bête...
Rien n'y faisait pourtant ! Laugh tenterait tout de même d'aider ces gens à sa manière.