belia. tell me i'm okay.

Tu avais essayé de remonter la pente, mais la vie t’avait rappelé à quel point tu n’étais pas prête pour ça. Faire ton deuil de Dewei était un obstacle que tu craignais de ne jamais franchir et tu avais peut-être raison. Tu n’eus pas vraiment le temps d’essayer que la vie t’arracha quelqu’un d’autre : Adelia. Une autre mort, un pilier de plus qui s’effondrait sous toi. Dire que tu étais dans un piteux état serait sans doute l’euphémisme du siècle. Tu n’avais pourtant pas d’autres alternatives que d’essayer d’avancer tant bien que mal en cherchant des sources de réconfort là où c’était possible. Tes journées de travail restaient pénibles malgré la compagnie de Noa qui restait un repère important dans ta vie. Il fallait dire qu’une partie de toi culpabilisait sans doute à l’idée de tout ce que tu lui cachais. Cela dit, rien n’arrivait à la cheville de ton malêtre lorsque tu rentrais chez toi. Rester bien longtemps dans le loft n’était jamais une option et cette fois encore tu ne manquas pas de fuir après un bref moment passé à nourrir tes animaux de compagnie. À peine sortie, tu sus qui tu avais envie de voir, voir même qui tu avais besoin de voir. Tu lui envoyas un bref message pour la prévenir de ton arrivée - espérant par la même occasion qu’elle ne serait pas occupée - avant de prendre la direction du secteur Nord-Ouest. Ce n’était pas ton endroit favori dans la ville, principalement parce que là tu ne pouvais que sortir du lot encore plus que normalement. Arrivée devant le pas de la porte, tu cognas quelques coups. « Blaze ? » Oui c’était brillant de t’inviter ainsi, mais tu savais bien qu’elle comprendrait l’état dans lequel tu pourrais te trouver, quitte à ce qu’elle doive passer dans ton esprit.

Je n’ai pas parlé à mon colocataire depuis cette soirée au les milles et une nuits. Le pauvre se trouve dans un état pire que le mien depuis qu’il s’est souvenu de la mort des deux personnes les plus importantes de sa vie. Je ne suis pas la meilleure pour lui faire la morale, mais j’aimerais pouvoir faire quelque chose. Or, il ne m’en laisse pas l’occasion. Il ne vient que très rarement au studio. D’ailleurs, il doit penser que je ne remarque pas que le tapis dans la salle de bain est mouillé lorsque je rentre à la maison. Au moins, il prend sa douche. Cela ne m’empêche cependant pas de me faire du souci pour lui. Cela fait un moment que le sofa lit n’a pas servi. L’odeur de @Jaxen commence à disparaître. Les cernes sous mes yeux ne pourraient être pires. Sans le cobra couché dans le salon, il me manque quelque chose. Au moins, avant, malgré mes insomnies, je sentais sa présence rassurante et ça me calmait. Il n’y a plus rien. Le soir, je suis seule avec mes démons dans la noirceur du studio et je sanglote en pensant à Joy. Je sanglote en pensant à lui, qui sillonne les rues comme je l’ai moi-même fait de nombreuses fois. L’angoisse me prend lorsque mon esprit tourmenté revoit le corps de Psycho, mort. Le seul point positif, c’est que le ménage du studio est toujours impeccable. C’est ce qui arrive quand je dois tuer le temps et m’occuper l’esprit. Ophelia arrive et j’ouvre la porte pour découvrir à quel point elle a l’air d’aller mal. En réalité, personne ne va bien, ces derniers temps. Il faut croire que personne n’a de passé glorieux. Il faut dire que son mari fait partie des personnes retrouvées mortes. Jamais je n’aurais cru être amie avec une flic, mais il faut croire que la vie nous réserve bien des surprises. « T’as une sale gueule… comme moi. » le rire qui sort d’entre mes lèvres est peu convaincant. Je lui fais signe d’entrer et ferme la porte derrière elle. « Alcool ou crème glacée? » que je lui demande. Je crois que nous en avons toutes deux besoins. « Je sors les deux. J’suis certaine que ce sera décadent. »

Débarquer sans prévenir chez Blaze n’était sans doute pas l’idée du siècle. C’était pourtant ce que tu avais besoin, il t’aurait été impossible de rester dans les lambeaux des mois passés avec Dewei. Sortir était la seule option, mais tu ne pouvais pourtant pas non plus débarquer dans les bars ou boites de nuit qui, pour la plupart, étaient contrôlées par l’un des deux gangs de la ville. Tu avais beau avoir de relativement bons rapports avec les Cobras - la preuve c’était bien l’une d’eux que tu allais visiter - mais ça ne t’encourageait pas à pousser les choses jusqu’à t’inviter dans leur bar. Il fallait aussi dire que tu ne voulais pas que Balthier apprenne tes loyautés contradictoires. Bref, de toute façon, des cobras, Blaze était la compagnie qu’il te fallait le plus.
Coup de chance - parce qu’il en fallait bien parfois - elle était chez elle et un mince sourire se dessina en entendant son commentaire. C’était un peu forcé, mais il y avait tout de même un fond de vérité. « Contente de savoir que je ne suis pas la seule. » Tu plaisantais, mais la vérité restait que la majorité des habitants de la ville tiraient maintenant de sale tête. Vous étiez d’ailleurs d’excellents exemples en la matière. Tu entras lorsqu’elle t’invita à le faire avant de réfléchir à la proposition qu’elle te faisait. « Autant y aller au plus fort, on en a bien besoin. » Puis, ce serait décadent comme Blaze l’avait si bien dit. Pour ta part, tu savais que tu avais besoin des armes lourdes pour vaincre la pesanteur qui envahissait ton coeur. « Ça va un peu mieux toi ? » C’était une question stupide en soit. C’était pourtant plus fort que toi. Il fallait dire qu’il y avait toujours en toi cette pointe d’inquiétude pour elle, encore plus depuis que tu n’avais pas de joie à lui transmettre d’une façon ou d’une autre. Enfin, il y aurait toujours la crème glacée pour vous aider.  

Rien ne va plus dans cette ville. Même l'optimisme des plus grands naïfs commence à faiblir sous le poids des souvenirs. Même les têtes fortes de ce mondes n'arrivent plus à garder la tête sous l'eau. Jaxen est parti tenter de faire son deuil à sa manière et je m'inquiète pour lui. Makfire va mal et j'ai l'impression de ne rien pouvoir faire pour l'aider parce que, de toute évidence, ma propre vie est un bordel sans fin. Je me suis fait ces cicatrices sur la cuisse. Ma sœur jumelle est morte. Psycho est mort et je n'ai pas eu de nouvelles de Faith depuis beaucoup trop longtemps. Et s'il c'était fait tuer par un monstre, lui aussi? Mon cœur se serre à cette idée. Mon Dieu, non. Faites qu'il ne meurt pas lui aussi. J'en peux plus. Je ne le supporterais pas. Avant, j'avais cette pointe d'espoir. Toi, Phee, cette étoile dans les ténèbres qui m'aidait à ne pas sombrer dans la folie. Or, tu es presque aussi amochée que moi, maintenant. Nous sommes tous dans le même bateau, contraints de naviguer seul sur le Styx, combattre nos démons. Alors que je sortais la bouteille de whisky, ma vision s'est embrouillé et ta voix s'est faire lointaine. Ma gorge se serre à la vue des traits de ma sœur jumelle. Non, pas maintenant. J'en peux plus de ces stupides flashback. J'en peux plus de la souffrance. Je ne veux pas me souvenir. « Terminé! Zip! Dernière journée, je ne fume plus! » La bouteille de whisky glisse entre tes doigts pour venir se fracasser sur le sol. « Abibi, mettrais-tu en doute mon identité? Bouge-toi, je veux ces soutien-gorges en solde et je vais me battre pour avoir mes préférés. » Je ris à gorge déployée sans pouvoir m'arrêter. La voix de Joy a mis du baume sur mon cœur. Mes doigts se serrent contre le bord du comptoir. Je ris à m'en faire mal à la mâchoire. Je ne sais pas pourquoi, mais j'en ai besoin. Puis, des larmes se forment dans mes yeux et soudainement mon rire se transforme en sanglot. Elle est morte. Ma sœur jumelle est morte. Je racle la gorge et prends une grande respiration. « Désolée... »

hrp:

À l’image de la majorité des habitants de Varakes, vous n’alliez pas très bien. Entre les souvenirs qui revenaient vous hanter et les proches que vous aviez pu rencontrer ici qui tombaient comme des mouches, vous n’aviez plus droit à aucun réconfort. Au-delà de la douleur que tu ressentais, il y avait aussi cette culpabilité qui te serrait le ventre. Avant tu avais pu apporter une aide à ceux que tu appréciais, Blaze la première, maintenant tu n’y pouvais rien. Tu n’avais rien à lui offrir, tes propres pensées étaient sans aucun doute aussi pire que les siennes. Ces souvenirs vous faisaient plus de mal que de bien, ne vous laissant aucun répit. En parler était toujours une option, mais ça ne suffisait pas. Vous étiez bien seul face à votre passé et ça rendait le tout encore pire. Ta question concernant son état ne reçut pas de réponse, mais plutôt un silence qui fut brisé par la bouteille qui éclata au sol. Tu sursautas et tu posas ton regard sur Blaze, plus qu’inquiète. Tu n’osas pas la toucher pour autant, craignant de t’imposer dans ses pensées ou les troubler avec ce que tu avais en tête. Tu ne bougeas pas davantage lorsqu’elle éclata de rire toujours par crainte de t’imposer. Ce n’est finalement que lorsque son rire se transforme en sanglot que tu ne t’approches, faisant bien attention aux éclats de vitre. « Ne t’en fais pas. » Tu ne voyais même pas pourquoi elle s’excusait, ce n’était même pas ton appartement qui avait souffert. Tu posas ta main sur son épaule, une vague tentative de lui apporter un peu de réconfort en faisant un tri dans tes émotions. Tu n’étais pas experte en la matière, mais en cet instant précis, tu ressentais sans doute plus d’inquiétude que de tristesse ce qui était presque un pas dans bonne direction (ou pas). « Tu t’es souvenue de quelque chose ? » S’il y avait bien une chose que tu avais compris, c’était que des moments de silences comme ça s’expliquaient souvent par ces bribes de vos vies d’avant. 

Pour la toute première fois, je me rappelle de quelque chose d’anodin. Une simple journée avec ma sœur jumelle. J’ai l’impression d’apprendre à la connaître petit à petit et ça me déchire le cœur en sachant que je ne pourrai jamais la voir ni la prendre dans mes bras. Elle n’est plus de ce monde. Tout ce qu’il me reste d’elle, c’est cette profonde culpabilité, cette détresse intense et ces bribes de souvenirs qui arrivent au compte-goutte sans que je n’aie le moindre contrôle. Mon dernier souvenir en date était l’un des plus terrifiants et répugnants, alors que je m’efforçais de me débattre sous l’emprise d’un homme aux mauvaises intentions. Celui-ci est différent. Il m’apprend, d’ailleurs, que je ressemble beaucoup plus à Joy qu’à mon ancienne moi. Je me noirci les poumons et j’ai de mauvaises fréquentations, en sachant que je suis membre d’un gang de rue, en théorie. Voir ma sœur blablater sur des soutien gorges en solde me donne envie de rire et de pleurer à la fois, ce que je fais devant toi. Tu poses ta main sur mon épaule et je sens ton inquiétude tout comme tu dois ressentir ce tourbillon d’émotions entre la mélancolie, la joie et cette tristesse profonde qui m’arrache le cœur. Je t’offre un faible sourire. « T’es pas obligée de faire ça, Phee. » Je sais ce que c’est, de ressentir la détresse d’une autre personne. Je l’ai vécu de nombreuses fois avec les gens que j’aime. Tu l’as vécu tellement de fois alors que j’avais besoin que tu m’aides à passer au travers de mes sales journées. Je t’en suis reconnaissante, mais tu dois penser à toi maintenant. Je sais que tu la ressens, cette gratitude. Je me racle la gorge et essuie une larme sur ma joue. « Ouais, c’était un souvenir. Certains ont été plus durs à encaisser que d’autres… j’ai du mal à gérer toutes ces émotions contradictoires. » Je commence à ramasser les débris, les mains tremblantes, et je me coupe au passage. « J’ai perdu quelqu’un de ma famille. »

Tu n’as pas besoin de toucher Blaze pour savoir qu’elle n’allait pas bien. En savoir la cause était quelque chose de plus ardu et tu dus éviter de la toucher. Ça aurait certes satisfait ta curiosité, mais ça ne se faisait pas. Tu attendis donc avant de le faire, non pas pour pouvoir comprendre ce qui se passait, mais bien pour essayer de lui remonter le moral. Tu n’étais plus aussi apte à le faire, tes propres émotions négatives risquant fort bien de gâcher l’intention. Du moins c’était sans compter sur le tourbillon d’émotions que ressentait Blaze. Ça ne pouvait que balayer ce que tu ressentais toi même, ne serait-ce que temporairement. Ressentir la détresse d’autrui ne te faisait pas plaisir, mais c’était bien la moindre des choses que tu pouvais faire en la voyant malheureuse devant toi. Tu haussas les épaules aux commentaires de la principale concernée. « Si ça peut aider. » Tu ne voulais pas trop en faire non plus, déjà parce que c’était taxant émotionnellement que de vivre la détresse de quelqu’un d’autre, mais aussi parce que tu ne voulais pas risque d’envahir ses pensées plus que nécessaire. D’autant plus qu’elle confirma ta théorie sur ce qui s’était produit. Un souvenir, visiblement tu n’étais pas la seule à avoir eu droit à un passé déplaisant. Tu hochas distraitement la tête, histoire de signaler ta compréhension. Ton coeur sauta pourtant un bon en entendant que Blaze aussi avait perdu quelqu’un dans sa famille. Automatiquement, tu ne pus que dire : « Je suis désolée… » Ça ne voulait rien dire au fond, surtout que beaucoup de temps s’était sans doute écoulé depuis cette mort. Tu finis par souligner : « Visiblement on n’est pas très chanceuse. Moi aussi j’ai perdu quelqu’un. » Et le souvenir te revint en tête, te rappelant la mort de ta mère, ce sacrifice qu’elle avait fait pour vous sauver de tu ne savais trop quoi. Tu chassas la chose de ton esprit, n’ayant guère envie de rajouter à la tristesse que tu ressentais déjà. « Tu veux en parler ? » Tu ne savais guère si ça pouvait l’aider ou même si tu étais quelqu’un avec qui elle était à l’aise de s’étendre sur la question, mais tu allais au moins lui proposer. Dans tous les cas, il faudrait aussi que vous nettoyiez le verre brisé.

Dès la première fois que je t’ai vue, j’ai su. Tu dégages une aura bienfaitrice qui ne fait que s’accentuer lorsqu’on apprend à te connaître. Je sais que tu ne souhaites que m’aider. Le problème, c’est que je sais ce que c’est… Je sais à quel point vivre les émotions des autres peut être intense. Je me sens déjà assez mal pour t’avoir infligé cette torture à de nombreuses fois. Tu m’as aidée. Vraiment. Mais tu dois penser à toi maintenant. C’est vrai, je vais mal. C’est vrai, j’ai besoin d’aide. Oui, c’est encore pire depuis que Jaxen a foutu le camp du studio sans un mot à mon intention. Et puis quoi? Tu devrais être plus égoïste. Je ne veux pas gruger toutes tes bonnes pensées. Si j’ai bien compris, tu as déjà ta propre vie à gérer. « Je suis désolée… » Je suis légèrement irritée par ces mots. Je n’ai besoin de la pitié de personne. Tu n’as pas à être désolée. T’y es pour rien. C’est moi qui suis en cause. Je l’ai tuée. Je le sais. « Visiblement on n’est pas très chanceuses. Moi aussi j’ai perdu quelqu’un. »  Je hoche la tête, grimace au visage. Je ne suis pas assez naïve pour croire que le passé des autres habitants de Varakes est tout rose. Nous avons tous des secrets et nous avons tous eu des pertes. La vie est faite ainsi. Je me coupe avec le verre en tentant de nettoyer les débris. « Ouais… J’ai l’impression qu’on a tous vécus des trucs qu’on aurait préférés oublier. Plutôt ironique en sachant qu’on était amnésique il y a de ça pas très longtemps. »  Je finis de nettoyer les restes de verres à une main, l’autre fourrée dans ma bouche pour aspirer le sang qui coule de ma légère coupure. « Tu veux en parler ? » Je prends un petit moment pour y réfléchir tout en effaçant toute trace de mon passage. « J’en sais rien… » Je soupire.  « Disons que je trouve ça… éprouvant… d’apprendre à connaître une personne à travers des souvenirs et de prendre conscience à chaque putain de fois que j’pourrai jamais la rencontrer, jamais entendre le son de sa voix ou la prendre dans mes bras. » Je me racle la gorge et hausse les épaules. En fin de compte, je ne suis pas certaine d’être prête que quiconque connaisse l’existence de ma sœur jumelle à part moi. Je ne l’ai même pas encore dit à Makfire. « Peut-être qu’on en parlera plus quand j’aurai quelques verres de pris. » Je ricane nerveusement et vais chercher une autre bouteille d’alcool, du bourbon cette fois. « Heureusement que j’suis alcoolique. »