Deads tell no stories [Aspulli]

Ton job aujourd'hui était loin d'être des plus excitants... Aucun risque à prendre. Aucun riche à voler, ni personne à venir en aide. Non, tu devais t'occuper ici d'un mort. La chose était risible, d'autant qu'un mort était un mort ! Tu avais ta place auprès des vivants, ceux que tu protégeais. Ceux dont la protection même te donnait une raison d'exister ! Cette jeune fille que tu avais vu morte hier soir chez les Cobras, c'était désormais à toi d'organiser son enterrement... Avais-tu réellement une tête à mettre en place ce genre d'évènement ? Si cela ne tenait qu'à toi, tu aurais probablement organisé une fête. En son honneur probablement -peut-être- mais certainement pas devoir se rendre à la morgue... Quel ennuie ! Cette Cobras, "Guiomar" était tombée entre les mains des Lions. Elle était en mission, tentant de leur voler je-ne-sais-quoi... Seulement, cette idiote s'était fait attraper, et c'était plutôt bien fait pour elle. Pour son erreur stupide que toi, tu n'aurais jamais commis, que tu étais là ! Les Dime Lions avaient tué cette fille, et pour être honnête, tu pensais là qu'il s'agissait d'une légitimité... Tu n'aimais pas particulièrement ce clan, ils étaient sans coeur... Seulement, le vole était un art beau, seulement lorsqu'il était parfaitement réalisé. Une réalisation parfaite impliquait de ne pas se faire attraper ! Bref... Cette Guiomar était loin de posséder tes compétences et celles de Shadow, alors la perte bien qu'humaine, n'était pas foncièrement dramatique !

Tu étais ainsi rentré dans la boutique funéraire, t'attendant à recevoir le regard d'un vieux gothique en face de toi... Cependant, et malheureusement pour toi, le visage auquel tu eus droit été familier. Une familiarité de mauvaise augure, car ce jeune homme fringant était le type de véritable bourgeois que tu n'aimais pas... Tu avais rencontré ce jeune homme dans la rue, tandis qu'il avait sèchement refusé de donner quelques sous à un mendiant. Vous aviez organisé une joute verbale en pleine rue, et ce souvenir te restait en travers de la gorge... Tu lui fis néanmoins face, et commenças le dialogue : « bien... J'ai une morte sur les bras... Qu'est-ce tu fais pour moi ? ». Un ton plat, révélateur de la joie que tu avais à parler à ce garçon....

Les feuilles éparpillées sur mon bureau, il m'était impossible de me concentrer depuis ce matin. Depuis le deuxième souvenir que j'avais eu en fait, en y pensant deux secondes. Il m'avait suffi que je me mettre en colère contre un mec pour apprendre que j'avais tué quelqu'un. Autant dire que je ne m'y étais pas du tout attendu, que j'avais eu la nausée et était partie en courant en laissant mes courses pour aller vomir dans une ruelle sombre et vide. Comment je m'appelais avant, ce n'était pas une nouvelle affolante. Je savais bien que mon nom n'était pas Ulli depuis mon réveil. Mais d'avoir tiré sur une jeune femme sans aucune hésitation pour une boîte. Il y avait quoi là dedans d'important pour avoir à se salir les mains ? Encore des questions qui n'aurait jamais de réponse. J'avais hésité à appeler Wade ou Blue pour en parler mais je m'étais mal vu annoncer comme ça que j'étais un assassin. Ce n'était pas le genre de truc qu'on pouvait dire à n'importe qui. Et globalement, je n'avais pas de personnes avec un profil adéquat dans ma maigre liste de contact.
Je soupirai, laissant tomber un doliprane dans mon verre d'eau. Regarder le médicament se dissoudre lentement avant de relever la tête en entendant la porte s'ouvrir. Génial, il ne manquait plus que lui. Le bon samaritain qui gueulait sur les gens parce qu'ils donnaient pas d'argents aux clochards. Désolé, je préférais acheter des croquettes pour le refuge des animaux. Chacun ses choix. Il avait l'air aussi ravi que moi de le voir. A la différence que je devais avoir des cernes de dingues sous les yeux.
Je manquais de peu de renverser mon verre en entendant le mot "morte".

- Quoi...?

Je demandais avant de me rappeler que je travaillais dans les pompes funèbres. C'était bien ma veine. C'était un signe dès le début en fait...J'avais du tué des tas de gens et du coup on m'avait donné comme métier d'aider à enterrer les morts. Les mains légèrement tremblantes je buvais cul sec mon médicament avant de revenir sur mon interlocuteur.

- Je suppose que ce n'est pas quelqu'un de ta famille...alors il faudrait le signaler à ses proches pour qu'il déclare sa mort et que je puisse faire le reste...Ou si le défunte est seule, c'est simplement un enterrement avec une simple tombe au frais de l'état...

Expliquais je doucement avant de poser une question qui me brulait les lèvres. D'habitude je me moquais éperdument de la façon dont les gens étaient morts et par qui ou quoi mais là, je ne pouvais pas m'empêcher de m'y intéresser.

- C'est toi qui l'a...tué ?

Le gars semble étonné de te voir. Il lâche son verre et te regarde avec de grands yeux... Vraisemblablement, tu n'es pas l'unique cause de cette surprise, comme si lui-même n'était pas à sa place. Gagner son pain sur le dos de pauvre personne morte . Tu lui donnais plus ou moins bien la tête de l'emploi. Du moins, l'esprit du métier ! Si son visage serein et bien entretenu ne laissait que peut penser à son affiliation avec la morgue, le mental de son rang social était en parfaite adéquation. Tu n'es de ce fait pas des plus agréables, cela ne te ressemble pas... Le gars te le renvoie tout autant, bien que lui semble plus poli... Il t'explique la démarche à suivre, avec la plus grande sérénité du monde. Travailler avec les morts devait avoir un impact plutôt morbide sur le comportement, et tu t'imaginais que ton interlocuteur avait acquis ce ton en plusieurs mois de boulot... Tu t'approches ainsi du comptoir, ayant réussi à ouvrir le dialogue -bien que froid-... Tu lui souris. Un rictus plutôt jaune, car son allusion à la famille était assez étrange. Qui pouvait bien se retrouver en famille à Varakes ? Sans souvenir, il n'y avait aucune chance de se recomposer, de recroiser ne serait-ce qu'un frère. Vraisemblablement, la procédure à suivre visait de ce fait son entourage proche. Parfait, elle ne vivait qu'auprès des Cobras, et tu en étais un. Une chose de faite... « Ses proches sont au courant, ils m'ont eux-mêmes chargé de s'occuper des formalités... ». Ton ton communiquait parfaitement le manque de conviction que tu présentais, d'autant que cette Guiomar n'était personne pour toi... Tu devais simplement organiser l'enterrement d'un boulet, une mauvaise voleuse qui avait failli mettre en péril son propre clan...

Lorsque le garçon se risqua à te poser une question qui semblait le titiller, ton visage s'enjoliva soudainement. Ses mots t'avaient fait rire ! Une innocence presque sympathique s'était échappée de sa bouche, en contradiction avec le rôle qu'il jouait ici dans cette pièce. « Elle a joué aux idiotes et elle s'est fait attraper. Je n'ai rien à voir avec cette affaire, si ce n'est lui avoir appris quelques astuces afin de ne pas se faire choper... Et toi, il t'arrive de tuer des gens pour arrondir tes fins de mois ? Après tout, les clodos, c'est pas ce qu'il manque n'est-ce pas . ». Tu souhaitais le chambrer lui aussi... Comprendre cette classe de la société de Varakes que tu avais tant de mal à apprécier.

Il avait pas vraiment l'air convaincu par ses paroles. Etait il vraiment un proche de la personne disparue ? J'avais un doute, mais en même temps je n'avais fait que réciter les bouquins que j'avais lu. Ici, c'était assez compliqué de voir la famille, vu que personne ne se souvenait de rien. Enfin, du moins peut être que la défunte s'en était rappelé. Toujours est il que si mon interlocuteur voulait être le débiteur de cette affaire, je n'allai pas refuser. Il allait encore croire que je gagnais mon argent sur le dos des pauvres gens, en plus des démunis. Peu importe, je me moquais bien de ce qu'il pouvait penser de moi.
Je lui demandai par curiosité comment elle était morte. Son visage avait alors changé d'expression et d'habitude, les gens se mettaient à pleurer mais pas lui. Il était même content. Attraper par qui ? Des astuces de quoi ? Bizarrement, ça sentait l'un des deux gangs qui se tiraient dessus. Ca m'aurait suffit comme explication, mais visiblement le client avait décidé de me taquiner. Sauf que ces temps ci, m'accuser de meurtre ce n'était pas vraiment une bonne idée. Je m'étais soudainement redressé, mon poing s'abattant sur mon bureau.

- Ya ! De quel droit tu m'accuse ?! Tu crois que j'aime mon boulot ? Tu me connais pas ! Je suis pas comme tes copains serpents ou lions ! Je balance pas des cadavres dans les égoûts ni vu ni connu ! Alors ouais tu te la joue bon samaritain pour te cacher derrière tes sales coups, alors viens pas me faire chier avec tes clodos !

M'écriais je en serrant les poings. Il en fallait beaucoup pour me mettre en colère, mais la fatigue accentuait mes émotions et c'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. C'était peut être injuste de m'en prendre ainsi à ce jeune homme mais j'avais besoin de me défouler sur quelqu'un. Et il était là. Je finissais par me rasseoir lourdement sur mon fauteuil avant de prendre une feuille et de la lui balancer de l'autre côté du bureau.

- Tiens, remplis ce formulaire et casse toi !

Je peinais à contrôler ma voix qui se brisait. J'étais littéralement en train de craquer. Je lui tournais le dos en faisant pivoter ma chaise pour cacher mes larmes et les essuyer.

Il n'avait pas apprécié... Pas du tout apprécié ! Tu avais vraisemblablement touché un point sensible, et le garçon laissait désormais déferler toute sa colère. Tu l'observais d'un air presque hautain, tandis qu'il te crachait ses paroles au visage. Croisant involontairement les bras, comme pour le laisser déblatérer inutilement, tu restais mué face à cette furie soudaine que tu avais créée... Tu ne te connaissais pas la capacité à influencer autant les gens ! Vraisemblablement, tes mots pouvaient réellement servir de venin aux yeux de tes interlocuteurs. Lorsque le jeune tappa du poing sur le comptoir, tu n'oscillas pas un sourcil, préférant rester de marbre face à lui, attendant patiemment de pouvoir achever ton travail et répartir en mission ! D'après lui, tes paroles avaient soulevé de lourdes accusations... Loin de toi l'idée de l'accuser d'un quelconque meurtre, il s'agissait surtout là de le remettre à sa place avec ses questions déplacées ! Pourtant, ton interlocuteur l'avait pris très personnellement, à croire que quelque chose se cachait derrière... Tu ne t'attarderais cependant pas sur son cas, et te contentas de suivre le formulaire qu'il te jeta nonchalamment au visage. Une fois de plus, tu avais largement de quoi répliquer. Pourtant, le combat inutile n'était clairement pas ton truc ! Si un homme devait recevoir ton poing dans la figure, la raison devait être plus honorable qu'un simple réglage de compte... Sans broncher, tu remplis la feuille à l'aide du stylo le plus proche, haussant légèrement les sourcils. Une fois terminé, tu lui tends le formulaire en le regardant dans les yeux. Un léger sourire à tes lèvres tente de détendre l'atmosphère... Malgré ton dégoût pour cette classe de la société, tu n'aimes pas être tendu, ainsi te laisses-tu respirer en évitant de te mettre en colère. « Je te posais seulement là une question... » commenças-tu, la feuille entre les doigts, bras tendu. « Ta réaction puérile laisse largement à penser que tu as quelque chose à te reprocher... Franchement, quand tu portes la mort sur la conscience, tente au moins de ne pas t'emporter à la moindre réflexion. Conseil de ces "Cobras jeteur de cadavres"... »

Pendant que l'autre asticot remplissait le formulaire, je tentais de reprendre le contrôle de mes émotions. C'était une bonne chose qu'il n'ait rien répliqué après que je lui ait crié dessus, sinon je ne sais pas ce que j'aurai fait. C'était d'habitude plus les sentiments des autres qui me mettait dans tous mes états, à cause de mon pouvoir, et des flots que je ne pouvais pas contrôler. Reprenant mes esprits, je passai une main sur mon visage avant de revenir sur mon client. Ce dernier ne tardait pas à me tendre le formulaire en me disant qu'il me posait seulement une question. Ce n'était pas faux. Mais il avait pas à me mettre la misère des gens sur les épaules non plus.

- Je n'ai rien à me reprocher

Répliquais je face à ses suspicions en prenant la feuille. Je n'étais certainement pas cet homme que j'avais vu dans mon souvenir. Ou il devait y avoir au moins une explication à ça. Peut être que cette femme méritait de mourir, tout simplement. Mais j'acceptais cependant que ma réaction n'avait pas été des plus matures et m'être pris sans aucune raison valable à ce jeune homme.

- Mais je suis...désolé, de m'être emporté

Ce n'était pas les excuses les plus sincères du monde, je n'avais pas non plus l'habitude de le faire. Je faisais ce que je faisais, tant pis si les autres n'étaient pas contents. Je parcourais rapidement le formulaire des yeux pour voir si il avait bien tout remplis. "Guiomar", cela ne me disait rien. Bien que je ne connaissais pas tous les habitants de Varakes en y pensant. Ce n'était pas comme si j'allai au réunion de soirée dans les bars ou les boites nuits.

- J'ai simplement vu quelque chose, et ça m'empêche de dormir, du coup je suis sur les nerfs, mais en effet, je n'avais pas à te crier dessus

Rajoutais je après un silence. Ce n'était pas que je cherchais à me justifier, mais c'était aussi un moyen de parler de mon "problème". Surtout que visiblement mon interlocuteur avait l'air de s'en foutre royalement que la jeune fille soit morte.

Tu n'y pouvais rien. Ta compassion était limitée pour ce genre de personne que tu qualifiais de plates ! Toi, l'être ouvert d'esprit et altruiste, ne tentait pas le moins du monde d'entrer dans cet univers de bourgeois Varakiens... Tu t'étais fait, et ce depuis ton arrivée dans la ville, une idée bien précise de ces personnes. Tu t'étais ancré ces clichés que tu avais vu naître grâce à ton ancienneté... Désormais, tu ne leur prêtais plus attention. Voir cette fine larme traverser le visage de ton interlocuteur lorsque celui-ci se retourna te fit lever les yeux au ciel... Tu n'avais pas compris à quel point tu devais avoir touché un point sensible, et tu te sentais légèrement con. Le garçon s'était alors excusé pour son comportement. Tu tentas d'afficher un léger sourire compatissant... Tu étais plutôt doué pour les mensonges, mais il était aisé de remarquer l'hypocrisie de ton geste. À vrai dire, tu n'avais pas tellement envie de jouer dans les sentiments avec lui... Pourtant, le jeune homme te força ! Il tenta de se justifier. Expliquer qu'il avait eu affaire à des images plus ou moins traumatisantes.... Tu en voulais terriblement à ce gars. Bien évidemment, il ne te connaissait pas ! Ainsi ne savait-il pas à quel point tu étais concerné par les problèmes d'autrui... Tu étais une assistante sociale, vraisemblablement dans le sang. Mettre ses faiblesses devant toi était -outre l'idiotie du geste- un acte que tu ne pouvais malheureusement pas laisser passer. Tu étais comme ça, et ce jeune homme t'avais entraîné dans ses problèmes. Sans le vouloir, très probablement, mais le fait était là... Tu poussas un long soupir, oubliant la condition de ton interlocuteur. Cette situation sociale que tu détestais tant. « On voit tous des choses horribles par ici... Parfois ces images nous atteignent plus personnellement. » Tu repensas instinctivement aux bribes de souvenirs qui t'étaient revenu en tête, il y avait de cela quelques jours... « Des choses qui mettent dans un état pareil, parfois c'est bien de se faire aider. Ne pas rester trop longtemps en compagnie des morts. » Tu avais essayé d'être gentil... Toi qui t'y prenait généralement si bien. Tu n'étais pas ici des plus à l'aise. « Tu n'avais donc jamais vu de meurtre avant ? ». Tu finis sur une note légèrement crue... D'après tes estimations, les images dont ton interlocuteur souffrait faisaient référence à un assassinat... Tu touchais probablement encore là un point sensible, mais c'était ainsi que tu fonctionnais.

Bien évidemment, je ne devais pas être la seule personne qui avait assisté à un meurtre. Vu comment les Cobras et les Lions se mordaient la queue tous les deux, ils devaient en avoir vu plus d'un, ou en être même les précurseurs. Toujours était il, que ce genre ce n'était pas moi. Je fuyais plutôt les soucis plutôt que de les affronter. Je n'étais pas assez courageux pour braquer une arme sur qui que se soit ou tout simplement même la frapper. Au grand max, je pouvais crier dessus comme je l'avais fait sur mon interlocuteur il y avait cinq minutes. Ce dernier me conseillait de me faire aider. Bien sur, je me voyais bien allez voir un psy pour lui dire que j'étais un criminel. Non, et puis je n'aimais pas partager des choses à la base, ce n'était pas pour raconter la courte vie dont je me rappelais à un inconnu sur un sofa.
Le plus drôle c'était que je mettais tout de même un peu confier à un étranger. Un étranger qui me reprochait de ne pas donner de ma poche à des sans-abris. Mais l'argent, c'était éphémère. Le sdf allait quoi ? S'acheter une bière et deux secondes après il serait pauvre à nouveau. Peut être même d'ailleurs que sans le vouloir, j'avais enterré, à la charge de la société un démuni. C'était ça mon cadeau de fin de vie. A force d'exercer mon métier je n'avais surement plus une vision de la vie pareille que les autres. Voir passer des noms, des proches en pleurs dans mon bureau, c'était surement à dégoûter de l'existence.

- J'ai peut être besoin de vacance ouais...mais le voyage est assez limité

Rétorquais je d'un ton ironique. Difficile d'aller quelque part quand on était confiné dans une ville. Après il y avait surement des coins que je n'avais pas exploré, et surtout pas mal où je n'avais franchement pas envie de mettre les pieds. Le jeune homme qui me face en tout les cas, avait un don pour mettre les pieds dans le plat. A croire que j'avais vraiment une tête de serial killer ? Ou bien était il simplement surpris que je n'ai jamais assisté à un assassinat ? Je prenais sur moi pour ne pas me mettre à nouveau dans un état pathétique.

- Non.

Lâchais je tout simplement d'un ton sec. Je sortais ensuite magiquement un gobelet en plastique d'un tiroir avant de le tendre. Il allait surement refuser ma proposition mais au moins, personne ne pourra me dire que je n'avais pas fait d'effort de "réconciliation".

- Un café ?

Le garçon venait d'aborder un point pertinent à Varakes : aucun moyen de "prendre l'air"... Nulle sortie ou quelconques vacances possible à l'extérieur de la ville. S'il s'agissait sûrement là de la cause de toute cette pagaille chez les citoyens, ce dôme infranchissable signifiait aussi un espace social délimité. Nul ne savait ce qui se tramait à l'extérieur, mais si la situation était plus désespérée encore que Varakes, cette ville avait au moins pour point positif de regrouper la misère sur un espace restreint... Il était plus facile pour toi de t'occuper des misérables, de ces gens en qui tu voyais ta propre faiblesse, dans un lieu clôt tel que celui-ci. Ton but était d'aider les autres... Arracher la mauvaise herbe de cet endroit que tu étais forcé de nommer foyer. Le malheur d'autrui te faisait mal aux yeux ! Tu avais toi aussi plongé dans la misère, et ce dès ton arrivée à Varakes. Ce fut grâce aux Cobras que le destin te permit de pouvoir t'occuper d'autres cas que le tien, qui désormais était parfaitement aisé... Ce gars face à toi. Il devait probablement en posséder bien plus dans les poches. Cependant, ce n'était pas là un signe de quelconques hiérarchie dans ton esprit ! Peut-être certains bourgeois de la zone portuaire verraient en ce jeune homme un citoyen bien plus méritant et supérieur que toi... Mais dans la crasse, tout le monde était au plus bas, à côtoyer la boue ! Tu n'avais ainsi que peu pesé tes mots en sa compagnie, et tu te retrouvais désormais à converser gentiment avec ce type... Malgré son statut que tu ne pouvais pas blairer, tu t'étais senti légèrement coupable... Après tout, ce gars était comme toi : un gamin. Le garçon te proposa même un café ! Une avancée dans la bonté. Peut-être avais-tu réussi à calmer son égoïsme ? Peut-être venait-il aussi de détruire ces préjugés puérils que tu portais en cette classe de Varakes... Cependant, la réponse restait la même : tu n'aimais pas le café, et boire une quelconque boisson dans un endroit tel que celui-ci te semblait légèrement déplacé. « Je ne bois pas de café. Et puis, il serait malpoli de ma part d'accepter cette offre, aussi attentionnée soit-elle. Malgré mes liens lointains avec Guiomar, elle reste l'une des soeurs de mon clan. Je suis ici pour elle, par particulièrement pour un café. ». Toujours aussi rude... Tu ne faisais pas réellement exprès. Tu tentais de rester poli, à l'extrême limite de la sympathie. Tu prenais une meilleure place de méchant dans cette discussion, malgré toutes tes "magnifiques actions humanitaires"...

Loin de moi était l'idée de le forcer, si il ne voulait pas de mon café. Même si j'étais légèrement contrarié d'avoir essuyer un refus alors que j'avais fait de mon mieux pour mettre nos divergences de côté afin d'être plus sympathique. Il était partie du principe que cela ne se faisait pas de boire un café alors que sa camarade venait de mourir. Pourtant cela se faisait dans les séries de manger après un enterrement chez la famille. Sauf qu'ici il n'y avait pas de liens de sang. Du moins, si c'était le cas, tout avait été effacé de notre mémoire. Pour l'instant, je n'avais vu aucun signe d'une quelconque famille dans les souvenirs que j'avais eu. Je ne savais pas vraiment si je devais en être ravie ou non.

- Comme vous voudrez

Je m'étais levé pour raccompagner mon interlocuteur à la sortie, puisqu'il avait fait le nécessaire. Mais comme pour les autres souvenirs, je me figeais soudainement, le regard vide alors qu'à nouveau mon esprit se remplissait d'image. Une nuée de sentiments m'assaillaient, comme ce jour là. D'un geste automatique, ma main était venu se placer sur mon torse, serrant mon vêtement. Mon coeur battait la chamade et surement qu'à ce moment là, j'aurai du tout faire pour retenir cet homme. Que s'était il passé ? Il me reprochait de l'avoir abandonné. Et c'était un fait qui me ressemblait bien, même aujourd'hui. Revenant à la réalité, je me laissais tomber dans mon fauteuil. Ce n'était pas un meurtre comme la dernière fois, mais c'était aussi fort émotionnellement. Et encore des tas de questions qui venaient dans ma tête. Je soupirai, ayant bien envie de boire une bière à présent. De toute façon, je ne pouvais plus faire grand chose tellement j'étais vide.

- Pas de café, et une bière ? Je vous invite. On trinquera pour l'âme de Guiomar

Proposais je en regardant l'homme qui me faisait face.

- C'est Ulli au fait

Rajoutais je en me rappelant qu'aucun de nous deux ne s'était présenté officillement. Enfin, je savais son nom vu qu'il était inscrit sur le formulaire.

Tu lèves les yeux au ciel. Ton sourire malicieux en dit cependant long sur tes réelles pensées... Ce garçon était vraisemblablement borné ! Prêt à tout afin de sympathiser avec un homme comme toi. Un lien alors parti de très mauvais pieds. Tu soupires en rejoignant ton regard dans celui de ton interlocuteur. Il se présente en t'offrant une bière... Refuser la demande serait d'une rudesse extrême, même pour toi, et ce envers un riche habitant de la zone portuaire. Il fallait dire que ton image de gentil homme était quelque peu ternie face à ce fameux Ulli... Au moins pouvait-on dire que tu étais sincère envers lui, chose de moins en moins commune à Varakes. Ainsi lui tends-tu le bras afin de lui serrer la main. « Pour Guiomar » lâches-tu afin de répondre à son invitation. Après tout, le garçon venait de toucher une corde sensible... Il s'en était pris -probablement sans le vouloir- à ton honneur ! Refuser de "trinquer pour l'âme de Guiomar" revenez dans ton esprit à une trahison. Si la mort de cette fille t'avait mise dans une mauvaise situation, tu devais bien accepter qu'elle ait été l'une de tes soeurs... Tu tenais une responsabilité dans son trépas et boire en sa mémoire était la moindre des choses.

« C'est Aspic » continues-tu en ouvrant la porte du bâtiment. Un rapide coup d'oeil vers la "paperasse importante" te confirma l'officialisation de la chose : tout avait été rempli... « Aspic comme le serpent. Il m'arrive fréquemment de cracher mon venin au visage des gens... ». Tentes-tu de te justifier ? Probablement pas. Tu expliques seulement là à Ulli à quoi il avait affaire. Il était vrai que malgré la tolérance dont tu faisais preuve à l'égard de nombreuses personnes, elle avait malheureusement quelques points faibles... Quand il s'agissait des bourgeois de la zone portuaire, aggravant de jour en jour le cas des SDF de Varakes, ta tolérance était mise à l'épreuve. Néanmoins, pour la persévérance dont ce jeune homme avait fait preuve, tu laisserais ton cynisme de côté... Histoire d'une bière.

Etais je têtu ? Surement. Quad j'avais une idée en tête il était compliqué de me faire faire ou dire autre chose. Mon interlocuteur était donc bien coincé, qu'il le veuille ou non, il allait devoir me supporter encore quelques minutes. Surtout qu'après ce souvenir, je n'avais pas vraiment envie d'être seul. C'était surement cruel de ma part d'utiliser la défunte pour ça mais bon...vu que j'avais du sang sur les mains, le paradis m'avait déjà fermé ses portes. L'enfer m'attendait donc gentiment. Cependant, je ne lui serrai pas la main. Si c'était pour entendre encore une fois ce qu'il pensait de moi, non merci. Je lui offrais donc un sourire navré.

- Désolé, je suis haptophobe

J'avais servi la même excuse à Wade lorsque l'on s'était rencontré. Il avait pas posé de questions alors je me disais que celui en face de moi en ferait de même. Et puis j'allai pas crier à tout le monde que j'étais un putain de Mentaliste et que leur pensées m’emmerdaient. Même si c'était vrai. Je me levais de mon fauteuil tandis que mon client se présentait à son tour. C'était certains que je ne m'attendais pas à Angel comme nom. Aspic lui allait comme un gant, il le disait lui même après tout. Et je l'avais bien remarqué ce trait de caractère vu que j'avais eu droit à la bande annonce.

- J'avais absolument pas remarqué

Pourquoi est ce que j'allai boire une bière avec un type pareil ? Je soupirai, sortant de ma boutique avant de la fermer à clé derrière moi. Vu l'heure et la chaleur qu'il faisait, il risquait aussi d'y avoir du monde dans les cafés ou les bras. Aish, je regrettais déjà mon invitation. Allez Ulli, c'était juste cinq minutes de malheur à passer et puis après tu pourra rentrer prendre un bon bain.

- Bon let's go

Lâchais je avant d'inviter Aspic à me suivre en direction du bar le plus proche. Soit simplement à deux cent mètres, vu que je travaillais en plein centre ville.

- Ca vous dérange si on boit à l'intérieur ? Je n'ai pas envie de finir en saucisse