cloz. welcome to the jungle.

Les heures matinales ne t’avaient jamais été étrangères. Ce lot était pourtant le tien depuis que l’émission du matin t’avait été donnée. Les premiers jours avaient été durs, surtout lorsqu’il s’agissait de balancer cet emploi avec tes responsabilité au sein des lions. Tes nuits étaient toujours aussi courtes maintenant, mais tu avais au moins appris à t’en accommoder. Il n’y avait donc rien d’étonnant de te voir penchée sur un dossier dès les premiers lueurs du soleil (ou même avant). Parfois les sujets se présentaient d’eux-mêmes et parfois il fallait les chercher ce qui était plutôt problématique le matin même. Ce matin-là faisait partie de ces journées à problèmes : tu te retrouvais avec un trou dans ton programme. De longues minutes que tu ne savais pas comment combler. Après un énième soupir, tu décidas de te tourner vers autrui. C‘était la seule option, tes autres idées n’étant pas vraiment approprié pour l’émission du matin. Qui voudrait entendre parler d’une potentielle guerre entre les gangs de la ville en prenant son petit déjeuner ? Non, il fallait quelque chose de léger et tu avais l’idée parfaite en ce sens : « Ramenez Cloud. Réveillez-le s’il faut. » Tu n’avais aucun scrupule à agir ainsi. Il fallait bien que tu puisses profiter d’être un peu plus haut dans la chaine hiérarchique. Puis bon, ils sauraient bien que c’était nécessaire pour l’émission si tu le demandais ainsi. En attendant qu’on te ramène le blondinet, tu t’installas dans la salle de contrôle pour pouvoir revoir l’ordre des sujets. Il valait mieux que l’horoscope soit divisé en quelques parties pour garder l’attention des auditeurs. Enfin Cloud pourrait sans doute donner son avis sur la question, du moins si tu lui en donnait l’occasion. Lorsque les bouclettes blondes entrèrent dans ton champ de vision, tu esquissas un sourire. « Je sais que tu rêvais de ce jour où tu pourrais mettre ton talent au profit d’un meilleur média que la presse écrite. » Ou pas, mais il fallait bien s’amuser un peu dans la vie, surtout si ça pouvait être aux dépends de quelqu’un d’autre. Puis, il fallait de l’énergie pour se tenir réveiller le matin.

Tes songes, ces mensonges qui jouent les éponges sur tes flasques frasques. C'est foutrement agréable de plonger dans ces fables, ces contes de mirages, sans lien logiques, sans orages. Un visage apparaît derrière ce barrage de nuages. Ce visage, un virage, un ravage que tu tentes de chasser dans tes moments les plus sages. Et qui devient un point d'encrage, dans tes instants de rage. Le bave qui arrose ton oreiller dans une prose de ronflement ne tarde pas à se faire remarquer à tes sens. Tu essuies la surface molle dans un grognement avant d'ouvrir subitement les yeux en te retournant dans ton lit. Tu entends une sonnerie énervante et tu réalises que c'est de ton cellulaire. Vautré comme tu l'es dans ton lit, tu glisses et te ratatines sur le sol avant d'atteindre le téléphone. Tu comprends rapidement que c'est parce que tu n'y vois rien. Tu allumes la lumière en te cognant la tête dans ta table de nuit et tu attrapes ton téléphone qui tombe et s'éparpille sur le sol. Si tu n'avais pas autant l'habitude de faire des conneries de ce genre, tu serais probablement en train de râler. Comme ce que tu es finalement en train de faire, pestant contre toi-même, détestant tes gestes précipités, comme si tu avais toujours besoin de te presser pour te jeter dans le précipice de la honte et de la bêtise. Tu finis par réussir à obtenir quelqu'un au bout de la ligne alors que tu trépignes. On t'explique que tu dois amener ton cul à la radio. La voix à l'autre bout semble s'impatienter et ta seule réponse est que tu seras là. Tu ne rechignes jamais à un travail, quel qu'il soit. Alors tu te bouges dans ton bouge et tu fonces jusqu'au point de rendez-vous. Heureusement, c'est pas bien loin de chez toi. Lorsque que tu pointes ton nez en trompette devant une asiatique, tu tiques et devant son regard, tu devines que c'est devant elle que tous jouent les carpettes. Ses paroles t'arraches un reniflement sarcastique et un haussement de sourcils ironique. « C'est le rêve de ma vie, vous pensez bien. » Comme d'écrire des putains d'horoscopes. Des conneries pour minettes qui te font faire des calculs de merdes toute la sainte journée en profilant les étoiles. Oui, c'est ton rêve au moins autant que de cirer les pompes de cette gonzesse. Ton regard plus que stoïque et ton ton sarcastique démêle facilement l'ironie de ta réponse. « Et qu'est-ce que je peux faire pour le meilleur média que la presse écrite ? » 

Faire appel à Cloud semblait être la seule solution pour combler le vide de ton émission. Tu espérais qu’il se ramène rapidement sinon ton problème serait loin d’être réglé. Peut-être que la chance était enfin de ton côté puisque le gamin se ramena rapidement et tu n’eus aucune raison de stresser plus qu’autrement - non pas que tu étais de ceux qui stressaient vraiment de toute façon. Ton commentaire ne sembla pas le convaincre et sa réaction ne manqua pas de te faire sourire davantage. C’est que tu allais bien t’amuser en fait. Sans perdre ce sourire malgré l’ironie dont il faisait preuve, tu ne manquas pas de lui répondre avec trop de sérieux pour le bien de la situation. « Quelle joie de pouvoir t’aider à réaliser ce rêve. » Quelle blague, il n’avait pas vraiment eu le choix de se ramener devant toi et tu ne l’aidais absolument pas. Tu enchainas donc pour répondre à la question qu’il venait de te poser. « Te lâcher ce serait pas mal. » Il fallait dire que son air stoïque ne cadrait pas forcément avec ton manque de sérieux total. Après tu n’étais pas choquée par son ironie, ce n’était pas comme si tu avais été très convaincue par tes propres dires selon lesquels la radio était un média supérieur. C’était celui que tu préférais, certes, mais ça ne le rendait pas meilleur pour autant, juste plus vivant. « Et surtout, il me faudrait des horoscopes pour l’émission de ce matin. » Tu n’avais aucune idée du procédé par lequel il inventait ces horoscopes ou même si le dit procédé pouvait être fait assez rapidement pour l’émission en question, mais ça ne t’intéressait pas vraiment au fond. « Enfin, si tu as une autre envie libre à toi. Il me faut seulement quelque chose pour combler du temps dans l’émission. » On ne pouvait pas dire que tu n’étais pas accommodante. Tu te fichais bien de ce qu’il pouvait vouloir, mais tu lui laissais tout de même l’opportunité d’être créatif. Il y avait tout de même deux bémols dans cette liberté : tu te gardais un véto, mais surtout : « Ça doit juste être fait rapidement. » C’était le point le plus important à tes yeux. Tu pouvais remanier ton planning pour lui laisser une meilleure marge de manoeuvre, mais tu ne pourrais lui faire de miracle à ce niveau-là. Il fallait qu’il soit rapide si on voulait que tu gardes ton éternel sourire.