HYBIE – heart attack.

La fenêtre ouverte laisse s’infiltrer le vent frais de ce début de journée. La température de ton corps est si haute que les tissus collent sur ton torse sculpté. La sueur perle sur ton front et tes doigts se crispent sur les draps, spasme créé par un sommeil agité. Tes yeux s’activent sous tes paupières et ta respiration se fait erratique. Dans l’ambulance, tu tentes désespérément de sauver quelqu’un. Tes mains massent son thorax, au niveau de son sternum, mais tu n’arrives pas à le ramener à la vie. Cette personne, c’est toi. Tu sursautes et tes yeux s’ouvrent rapidement pour se fixer au plafond, les lèvres sèches et le souffle court, avant de refermer les yeux. À l’aveugle, ta main trouve la peau d’une personne à tes côtés, une pointe de soulagement adoucit ton cœur à l’idée que tu ne sois pas seul. Muse doit avoir utilisé son double de clé pour se glisser dans ton lit, ayant peur de la solitude. Sa respiration est eupnéique et tu tentes de calquer ta tienne à la sienne. Un léger sourire sur les lèvres, tu tentes un coup d’œil vers la belle brune. Or, ce que tu découvres est loin d’être ce à quoi tu t’imaginais. Un homme dort dans ton lit, son corps nu à peine couvert par un drap au niveau de ses hanches. Tes yeux, ouverts grands comme des billes, se posent sur son corps musclé et tatoué. Sous l’effet de la surprise, ton souffle se bloque dans tes poumons et tu pousses l’inconnu à la barbe légèrement rousse en bas du lit en poussant un cri de stupeur.

Jamais qu'un matin comme les autres dans cette ville, l'air qui s'infiltrait par la fenêtre et caressait doucement ta peau encore nue, ton corps encore endormi, endolori après ta nuit agitée, d'habitude tu ne restais pas mais cette fois, épuisé tu t'étais effondré et comme toujours tu rêvais.
Tu ne savais pas si tu avais toujours été ainsi, si tu avais toujours été différent mais depuis que tu étais ici tes rêves étaient chaque jour plus étranges, jamais de mots, jamais de visages ou de situations, juste des images qui se succèdaient les unes après les autres, des images, des sons, des sensations ou même des odeurs, véritable kaléidoscope dans ton esprit que tu étais pourtant toujours incapable de reconstituer une fois éveillé, comme si tout s'échappait à l'instant même où tu ouvrais les yeux, comme si le sentiment de bien être, de plénitude que tu touchais du bout des doigts t'étais soudainement arraché, proche et pourtant inacessible, peut-être juste une métaphore de ton cerveau tordu pour ces souvenirs qu'on t'avait arrachés et que tu savais encore cadenassées quelque part à l'intérieur de toi, attendant le jour où par erreur, par hasard, pour une raison ou une autre ils trouveraient leur chemin jusqu'à la surface, craignant ce jour aussi un peu sans pour autant l'admettre, pas certain de vouloir te rappeler finalement, la raison de tes poignets striés de cicatrices en dessous de l'encre, la raison pour laquelle tu conservais une montre cassée, trimballait partout avec toi un petit ours en peluche râpé, pas sûr de vouloir savoir quel genre de fou tu étais.
Mais pour l'heure tu dormais encore, caressant toujours du bout du doigt ces sensations si proches et si lointaines, éphémères, essayant de te concentrer pour pouvoir les conserver au réveil, tendant la main toujours un peu plus, un peu plus loin, lorsque la sensation cette fois bien réelle de ton corps poussé en arrière, puis s'écroulant contre un sol un peu trop dur, ta tête cognant brutalement le plancher, te tira brutalement de tes songes, tes yeux s'ouvrant sous la violence du choc.

Ta première réaction en fixant le plafond au dessus de toi, la seule chose que tu distinguais pour le moment, fut de paniquer malgré toi, ta respiration se bloquant dans tes poumons, tes poings se crispant immédiatement. Un plafond comme celui là tu en avais déjà fixé un, six mois auparavant, jusqu'à en retenir les moindres détails, la moindre fissure, la moindre rayure, tu avais déjà connu ça, et l'esprit encore embrumé par le réveil brutal, encore perdu entre l'illusion et la réalité, tu étais persuadé de revivre à nouveau ce moment, comme perdu quelque part dans une boucle temporelle, jusqu'à ce que tu tournes légèrement la tête, te redresse et que tu apperçoives une silhouette familière dans le lit dont tu venais de chuter, les souvenirs reprenant doucement leur place dans le puzzle, ne remarquant pas à cet instant l'expression de son visage, bien trop soulagé de te rappeler, que ce soit de ton surnom, des six dernières mois ou même de la nuit passée dans ses bras, la panique dans tes yeux laissant place à ce calme qui avait fini par te caractériser alors que tu laissais ta tête reposer contre le mur, passant une main sur ton visage avant de prendre la parole d'une voix encore endormie mais teintée d'un léger amusement pourtant

« Je sais bien que t'as un faible pour les trucs SM mais sérieux, t'aurais pu faire plus doux comme réveil quand même »

Ce fut seulement en retirant la main qui te voilait le visage que tu vis l'expression qui marquait le sien, ses yeux écarquillés, son expression figée quelque part entre la stupeur et l'angoisse, immédiatement tes sourcils se froncèrent marquant une légère ride qui commençait à se creuser chaque fois que tu prenais cette expression à la fois inquiète, concentrée ou bien concernée.

« Tout va bien ?  Je peux faire quelque chose pour toi ? »

Le corps du grand brun se retrouve rapidement au sol. Tu es confus. Comment cet homme s’est-il retrouvé dans ton lit, nu? Ton périple dans le domaine de l’incompréhension ne sait que commencer, car soudainement tu as du mal à distinguer ton appartement… Te voilà dans un endroit totalement différent. Tu le vois étalé de toute sa longueur, son teint pâle te donnant une indication sur son état. Il ne va pas bien, tu l’as bien compris même si tu n’en sais pas la cause. Les médecins ne veulent rien te dire, ils l’attendent elle. Qu’importe que tu sois son frère, c’est elle qu’il a nommé comme personne de confiance, c’est donc elle qui aura le dernier mot, si seulement elle se décide à arriver. Tu ne comptes pas bouger de là en attendant, t’assoyant à côté de lui dans l’espoir qu’il se réveille. En vérité, tu espères bien plus que ça, tu veux un miracle. En attendant, tu ne peux que lutter contre le sommeil, hors de question que tu sois endormi quand il a besoin de toi. Ce n’est pas une grande réussite et tu te sens entrainer dans les bras de Morphée lorsqu’une voix s’élève : « Je ne savais pas que j’avais invité la belle au bois dormant… » Malgré la faiblesse de son ton, tu sursautes. Il ne va pas mieux pour autant, tu le vois, mais tu ne peux t’empêcher de lui demander : « Comment tu te sens ? » Il toussote avant de te répondre : « Je vais bien, qu’est-ce que tu crois… » Il marque une nouvelle pause, cherchant son souffle. « Tu peux me promettre de t’occuper d’elle ? » Tu t’attendais à cette question, mais elle te fait mal parce que tu sais ce qu’il sous-entend. Il veut que tu t’occupes d’elle après sa mort et ça tu ne peux pas l’admettre. « De qui tu parles ? Celle qui te laisse pourrir ici ? » Ton commentaire ne lui fait pas plaisir, mais il est vrai. Elle n’est toujours pas là et tu ne peux t’empêcher de lui en vouloir. Tu te relèves, comme pour aller voir si elle n’arrive pas. Une terrible erreur puisqu’il se met à convulser pendant que tu ne regardes pas. Il sera trop tard quand tu te retourneras.

Tu es livide, le regard toujours posé sur l’inconnu au sol. Tes yeux écarquillés sont illuminés d’une lueur de terreur. Tu as du mal à réfléchir comme il se doit, comme si tes pensées étaient un puzzle que tu devais rassembler en un truc cohérent. Comment peut-il connaître tes préférences sexuelles? Ses mots sont la goutte qu’il fallait pour faire déborder le vase. Ce qu'il pourrait bien faire pour toi? QUOI? Mais… C’est toi qui devrait lui demander cela! Il est dans TON lit – ou plutôt était. Tu as l’impression que quelqu’un s’assoit sur ta poitrine et ta respiration se fait sifflante, les mains tremblantes. Ton alter ego couche-t-il avec cet homme? C’était quoi ces images? Il est illusionniste? Pourquoi aurait-il voulu te faire voir la mort d’un soit disant frère? Un souvenir? Non, c’est impossible… Tu es amnésique. Or, peut-être que ce n’est plus le cas. « Qu’est… quoi? T’es qui? C’était quoi ces images? Pourquoi t’es nu putain! Et… et pourquoi JE suis nu? Bordel. » Tu enroules tes hanches d’un drap et tu commences à faire les cents pas en hyperventilant. Une crise de panique. Il ne manquait plus que ça.

Dés l'instant où tu avais croisé son regard, posé les yeux sur son visage, sa pâleur presque maladive et cette expression figée quelque part entre la stupeur, l'angoisse et l'incompréhension,comme s'il voyait quelque chose qui était invisible à tes yeux, comme s'il était complètement perdu face à une situation qu'il ne maîtrisait pas, tu avais perdu toute envie de rire, toute envie de plaisanter, tu avais compris que quelque chose n'allait pas, tu ne savais pas quoi exactement mais tu t'étais inquiété immédiatement. C'était plus fort que toi, tu étais comme ça, tu l'avais toujours été, du moins depuis ton arrivée, celui qui tend les mains, essaie de rassurer, d'aider et face à lui probablement plus que face aux autres, parce que tu ne pouvais pas le nier, même si votre relation n'était que purement physique, même si ni l'un ni l'autre ne vous étiez particulièrement confiés, tu avais tout de même une forme d'affection pour lui, tu n'avais aucune envie de l'abandonner dans un tel état, tu avais envie d'aller vers lui, de le prendre dans tes bras mais tu savais aussi que c'était une mauvaise idée alors tu attendais, tes yeux toujours résolument fixés sur son visage, qu'il finisse pas réagir, par dire quelque chose, n'importe quoi, tu le suppliais presque du regard de mettre fin à ce silence angoissant bien plus que gênant et puis soudain : L'explosion. Soudain il parlait et les questions se succédaient à mesure que la panique semblait le gagner : qui tu étais, ce qu'étaient ces images, pourquoi tu étais nu, pourquoi lui l'était et toi tu commençais à comprendre, il ne se rappelait pas, il ne se rappelait de rien. En d'autres circonstances tu aurais probablement plaisanté sur le fait que tu n'étais quand même pas un si mauvais coup que ça et forcé l'autre à arrêter ses idioties, à couper court à la plaisanterie mais là, tout te semblait trop réel pour être joué, trop réel pour être juste une blague, il avait l'air tellement paniqué, en train de trembler, de faire les cent pas dans sa chambre,il te paraissait évident qu'il ne jouait pas avec toi, que c'était vrai, il ne se rappelait pas.

C'était dans des moments comme celui là que tu bénissais le calme qui te caractérisait, cette incapacité presque pathologique à réagir impulsivement, à réagir dans l'émotion de l'instant, tu étais comme ça pragmatique, toujours à analyser, réfléchir avant d'agir, cette fois ne faisait pas exception. Lentement, tu t'es relevé, a ramassé les vêtements qui t'appartenaient avant de te rhabiller et de te diriger vers lui, posant tes mains sur ses épaules pour le forcer à s'arrêter, le forcer à te regarder, le seul détail que ton cerveau semblait avoir oublié était ce que tu étais.
Tes mains avaient à peine touché sa peau qu'immédiatement c'était toute sa peur, son angoisse, son incompréhension qui te frappaient de plein fouet, manquant presque de te faire reculer sous la violence des émotions, la tempête qui faisait rage à l'intérieur même de ce corps que tu connaissais par cœur, tu ne t'y habituais pas, à ça, aux sentiments, aux pensées des autres, tu doutais qu'un jour tu puisses t'y faire mais pour l'heure tu te forçais juste à ignorer, à ne pas laisser ce qui ne t'appartenait pas te faire couler avec lui, tu voulais essayer de le rattraper, de l'ancrer avec toi dans la réalité.

« Eh....S'te plait regarde moi, calme toi, je vais répondre à tes questions mais essaie de te calmer d'abord, respire, ça va aller je te le promets »

Tu savais qu'il n'avait aucune raison de te croire, de t'écouter mais tu essayais tout de même, tu avais envie d'aller plus loin, de le serrer dans tes bras mais tu savais aussi très bien que c'était une mauvaise idée, que tes mains sur ses bras, tes yeux dans les siens étaient suffisants, déjà trop presque comme contact pour quelqu'un d'effrayé

« Je m'appelle Zombie, je sais pas pourquoi tu t'en rappelles pas mais toi et moi on couche ensemble assez régulièrement, c'est pour ça que j'étais nu et que tu l'es encore, désolé si c'est brutal comme manière de l'annoncer mais je vois pas comment dire un truc pareil de manière subtile.
Pour le reste par contre, les images...c'était pas moi, c'est pas ce que je suis. Si tu veux on peut en parler calmement, ou je peux aussi partir si tu me le demandes, mais je te promets que je te dis juste la vérité et que je te veux aucun mal »

Tel un lion en quête de libération, tu fais les cents pas dans la chambre, ton cœur battant à tout rompre dans ta cage thoracique. Tu sens que ta respiration se fait erratique et ton esprit tourmenté n'arrête de se poser des questions. Après tout, tu ne t'attendais réellement pas à te réveiller dans une situation pareille. Cela est plutôt ironique que tu fasses une crise de panique en voyant un homme nu dans ton lit alors que tu es maintenant insensible lorsque tu te réveilles au poste de police ou bien dans une ruelle peu fréquentable, du sang sur les jointures. Tu aimerais pouvoir te calmer et lui poser les questions qui te trottent dans la tête depuis cette première journée à l'infirmerie. Tu aimerais en apprendre plus sur ton alter ego et il semblerait cet homme est la seule personne qui puisse t'aider. Tu as vaguement conscience que le grand brun se rhabille, allant pêcher ses vêtements sur le sol pour les enfiler. Ton corps tout tension et le capharnaüm dans ton esprit t'empêchent même d'y porter réellement attention. Tu ne sais plus où donner de la tête. Or, tu aurais bien dû t'en douter, non? L'homme qui prend le contrôle de ton corps la nuit venue doit bien avoir une vie – et, oui, des relations sexuelles également. Il s'approche de toi et ses mains se posent sur tes épaules.

Ce simple contact aurait pu t'apaiser si tu le connaissais. Or, pour toi, il est toujours un inconnu. Cela ne fait qu'ajouter des questions à ta liste déjà bien longue. Sont-ils en couple? « Eh... S'te plaît regarde-moi, calme-toi, je vais répondre à tes questions mais essaie de te calmer d'abord, respire, ça va aller je te le promets. » Si son contact n'a pas réussi à t'apaiser, ses paroles l'ont faites, elles. Tu prends une grande respiration par le nez et expires par la bouche et ce plusieurs fois. Ton cœur bat toujours à mille à l'heure, mais tu ne trembles plus. Il se présente. Il dit qu'il s'appelle Zombie, ce qui est un drôle de prénom. Il dit que vous couchez ensembles assez régulièrement et que c'est pour cette raison qu'il était nu et que tu l'es, toi aussi. Oui, cette partie, tu l'avais bien devinée. Il dit que ces images, ton frère, ce n'était pas lui. Il n'est pas un illusionnist. Pendant tout ce temps, tu le fixais, méfiant. Il finit son monologue en disant qu'il ne te veut aucun mal. Tu te racles la gorge, embarrassé d'avoir faite une scène. Ce doit être étrange pour lui aussi, de se réveiller à côté d'un homme qui dit ne pas se rappeler de nuit alors qu'ils ont déjà couché de nombreuses fois ensembles. « Désolé... la situation est compliquée... mais j'crois que je te dois des explications. » Tes hanches sont toujours enroulées dans un drap alors que Zombie s'est habillé. « Dur réveil, mh? » Tu ricanes légèrement. « Tu veux un café? Je m'habille et j'te rejoins. » Tu fais ton pudique, comme s'il ne t'avait jamais vu nu. Tu attends qu'il sorte de la chambre et tu t'habilles en vitesse. Tu le rejoins dans la cuisine et un léger silence s'installe alors que tu t’affaire à préparer le café. Heureusement, tu crois qu'Asha est déjà partie. « Alooors, tu sais quoi de...moi... exactement? » Tu allais dire « lui » mais il ne sait pas encore de quoi il retourne.