(rafarma) until we go down

A genoux, dans une pièce à l'abri des regards, beaucoup trop sombre pour avoir sa place dans la Maison de Dieu, j'observe les bougies allumée avec soin quelques minutes plutôt. Je ferme les yeux un instant, et prie, avec une telle ardeur que j'aurais pu sentir les poutres de l'Eglise se mettre à vibrer. Je déglutis, et me déshabille. Je décroche méticuleusement ma broche, et défais ma toge. J'abandonne la protection de Dieu pour devenir son bras armé et saisis l'objet. Le cuir heurte ma peau, je sens les griffes au bout de chaque noeuds s'enfoncer dans l'épiderme. Et je demande pardon, pardon pour les pécheurs, pardon pour ne pas être à la hauteur de sa mission. Si Laugh avait été un jour égaré, il était désormais perdu et j'en étais coupable. Je continue, encore, retiens les bruits. Je finis par déverser du sel sur mon dos et de l'alcool pur. Je regarde l'heure, les autres prêtres sont ailleurs. Les traits encore tirés par la douleur et la fatigue, l'âme tourmentée, je me rhabille lentement, et non sans esquisser des grimaces. Je sors de la pièce rangée et immaculée, pour finalement rejoindre les statues de prière des croyants et fidèles. Au loin, j'entends des talons claqués, et dans un espoir incongru, j'imagine Pandora. A vrai dire, j'imaginais tout le monde, sauf une personne. Surtout pas cette personne, Karma. Je me retourne alors et vois seulement une silhouette frêle, avec un visage dissimulé par des bouquets. Dieu ne peut pas être aussi mesquin. Je m'avance alors d'un pas mécanique à mon tour et saisis les bouquets, sans avoir besoin de me pourvoir d'une force supplémentaire. « Merci, mon enfant. J'espère que c'était pas trop lourd, quelqu'un serait venu les chercher. » Qu'est-ce qu'un prêtre avait à faire de sa journée après tout ? Alors que je soulage la personne de ses oeuvres, son visage se dévoile et ma mâchoire se crispe, mes sourcils se froncent. Déstabilisé, je fais tomber un des bouquets sur son pied et place le mien en protection de justesse. Il fait alors barrage à la chute de l'objet mais la terre se déverse sur ses chaussures. Je me mets finalement à rire. « Décidément, toi et la terre. C'est une histoire d'amour sale. » Sourire mutin et provocateur affiché, je me détourne d'elle pour déposer les bouquets et reviens vers elle.

Il avait fallu du temps, et beaucoup de prière pour panser les blessures et supprimer la moindre trace de doute de mon esprit. Je détestais le doute, et avec soin, j'en évitais les principales sources. Mon esprit était encore marqué par les regards et les sourires carnassiers de la mère Lionne et du jeune lionceau. Je secoue brièvement la tête, me concentrant d'avantage sur les plaies de mon dos et de la douleur qu'elles engendraient, plutôt que de ressasser un passé qui n'avait même plus lieu d'un tel masochisme. Alors que de la terre vient s'écraser sur ses pieds, je l'entends commencer à jurer, pour se rattraper en pâtisserie. Je roule des yeux, avec un sourire amusé. Mes traits se crispaient au moindre mouvement, non pas à cause de Karma. Du moins, elle n'était que d'une petite incidence. Et je l'observe, perdre en hauteur, large sourire mutin accroché aux lèvres. « Peut-être que si tu ne désertais pas les lieux, tu serais au courant. » Elle finit par remettre ses chaussures, et je me détourne d'elle, regardant les bouquets et puis les murs de l'Eglise. Soudainement, je sens son talon s'écraser avec force sur mon pied. Je fronce les sourcils et me raidis, la fixant, mâchoire serrée, sentant la colère monter peu à peu. C'était ce qu'elle cherchait après tout. Je prends une grande inspiration et lui souris. « Ce n'est rien mon enfant. Il s'agit du plus léger des péchés que tu as sur ton ardoise. » Si je ne la pardonnais pas pour ce pauvre geste, je n'en avais pas fini, autant aller se noyer et se diriger vers le premier lieu de détournement de foi. Elle annonce son prix. Je lève mon index, lui faisant signe d'attendre alors que je fais demi-tour, boitant légèrement et avançant d'une démarche mécanique. Près de l'Autel, je trouve un mot du Père Gérard. J'ai pris les bourses avec moi. Bien sûr, il n'avait pas pris soin d'indiquer une heure de retour. Je roule des yeux et écrase le bout de papier, revenant vers Karma. « On va avoir un petit problème. » Je croise les bras contre mon torse et penche la tête, la passant en revue, sans véritablement la voir. « Les autres prêtres sont partis. Tu peux les attendre et mettre ce temps à profit pour prier, ou revenir demain. En espérant qu'ils ne se soient pas égarés en ville. » Je décroise mes bras et attrape mon poignet, ne pouvant que lui offrir un sourire glacial, qui s'estompa bien vite. Je pris alors une grande inspiration, plantant mon regard dans le sien. « Je te conseille la prière. Tu manques à ces lieux, et je suis sûr que c'est réciproque. » J'hausse légèrement les épaules, me plaçant derrière elle et tendant mon bras, l'invitant fortement à rester. J'en oubliais pourquoi, pourquoi il avait fallu qu'elle s'écarte du droit chemin. Et je le regrettais.