Journée d'intégration [Nesspic]

« Je te présente tes nouveaux amis, Nessie ! ». Tu avais lancé ses mots avec un enthousiasme très sympathique. Une légère touche de cynisme devait probablement se cacher dans ses mots, mais après tout, tu ne faisais que taquiner ta camarade. Tu avais accompagné tes paroles d'un geste théâtral, tel un présentateur faisant la promotion d'un produit ! Cependant, qualifier ce que tu dévoilais de "produit" était ici extrêmement malpoli... Face à vous, un refuge de citoyens démunis se démarquait parmi les bâtiments ternes du quartier nord. Un nombre impressionnant de sans-abri logeait ici ! Il s'agissait de ton secteur d'action le plus conséquent. Lorsque tu ne volais pas dans les quartiers riches, que tu ne restais pas en compagnie des autres Cobras afin de déblatérer des nouvelles missions, tu passais le plus clair de ton temps ici. Tu apportais ton soutien à ces personnes qui te rappelait ta propre faiblesse ! Les aider à se relever te donnait de la force, en quelque sorte... Tu bavardais avec eux, leur offrait ce que tu avais dérobé ! C'était là ton travail au sein de ton clan, ce groupe que tu avais observé fièrement se dresser sur Varakes.

Aujourd'hui, Nessie se tenait à tes côtés afin d'apporter sa contribution à la cause de ces pauvres personnes ! La jeune fille avait demandé ton aide afin de la rendre plus... Altruiste. La demande était assez étrange, mais après tout, tu aimais par-dessus tout ce genre de personne ! Décidée à bouger leurs petites fesses pour des causes dignes. C'était courageux, et constituait là une première forme d'altruisme. N'étant pas tout le temps très doux, particulièrement avec les gens que tu appréciais -car qui aimes bien châtie bien- tu avais réservé à Nessie une journée bien chargée ! Un commencement assez brutal dans ce monde, probablement, mais il fallait bien commencer un jour ou l'autre... Quelques frères et soeurs Cobras étaient déjà sur les lieux afin d'aider toutes ces personnes. Tu avais cependant pris la parole en les interpellant : « hey les gars ! Vous en faites pas, moi et Nessie on gère pour aujourd'hui ! Prenez une ptite aprèm de repos ! ». Ils n'allaient pas se faire prier ! Ainsi te retrouvas-tu rapidement seul avec ton acolyte, face à ce grand refuge... Tu te tournas vers Nessie, grand sourire aux lèvres, tandis que tout le monde vous observait : « tu peux te présenter ! Moi on me connaît ici ! »

Tu sais très bien que tes manières sont assez nulles, mais t’as demandé l’aide du plus saint des Cobras et si tu ne croyais pas le regretter, dès que tu mets les pieds dans la place, t’as envie de détaler comme un lapin. Après tout, que faisais tu dans un repaire de miteux? À part prendre des gorgées d’alcool fort sous les ponts avec eux, t’avais aucune envie de fréquenter les paumés, t’avais déjà ton compte lorsque tu voyais tes revenus une fois ton loyer payé. Mais bon, c’était trop tard pour que tu te défiles. C’était toi-même qui t’avais mis dans un merdier pareil. Encore une fois.

Si tu croyais en tes chances de devenir plus bienveillante, tu te demandais pourquoi Aspic y croyait, lui. Ça devait bien se lire dans ton visage. C’était de l’incompréhension totale. Que faisais tu ici? Que voulait-il te prouver? Surement te montrer que t’étais encore plus égoïste que tu le pensais. Et ça marchait fichtrement bien. Ce devait être ça ou une farce. Oui, ce ne pouvait qu’être ça. Tu regardes autour, et t’attends qu’on te crie poisson d’avril ou que les ‘’faux’’ sans-abris enlèvent la suinte de sur leurs visages, ôtent leurs foulards et leurs linges hideux pour se transformer en monsieur et madame tout le monde. Seulement… C’est juste dans tes illusions.

Tu prends conscience de tout cela quand Aspic décide de renvoyer tout le monde. Quoi?! Tu t’arrêtes deux instants pour le fixer avec des yeux aussi ronds que des billes. Tu regardes tout le monde déserter, dont quelques-uns avec un rictus hypocrite. Tu te retiens de ne pas les cogner pour ceux d’entre eux que tu connais qui te lance un regard, alors qu’ils retiennent un faux rire. T’as même l’impression d’entendre un : « Bonne chance Princesse » qui te rappelle à quel point tu détonnes dans ce décor-là.

Ça prends pas deux secondes, que tu prends le poignet d’Aspic et que tu décides de vous traîner dans la cuisine ou du moins ce que tu juges l’être avant de le regarder droit dans les yeux avec un regard clair sur tes intentions de parler sans tabou.

- Ça va pas la tête! Tu te retournes vers les quelques yeux curieux des démunis qui se demande surement où et qui vont leur servir le repas avec un sourire faussement mignon. Tu chuchotes pour que seul Aspic entende en le regardant à nouveau dans les yeux. T’as perdu le Nord pour virer tout le monde! Je t’ai demandé de l’aider à être plus… T’as même pas les mots. Pas de devenir Mère Teresa en un après-midi!

Tu ne sais plus trop si tu dois t’attendre à un sourire cynique ou tout simplement à un geste clair qui te ferais prendre la porte. En ce moment, tu te dis bien que tu prendrais la porte, mais tu réfléchis deux fois. T’as pas vraiment envie de te retrouver cul par-dessus tête, sans personne. T’as vraiment pas envie de dire au revoir aux Cobras. Non. Ça c’est clair. Tu dois juste t’endurcir. Tu crois juste qu’il aurait dû te prévenir. Te préparer un peu mentalement au lieu de te jeter direct dans la gueule du loup. T’aurais préparé ta tenue en conséquence, car tu es bien trop coquette pour ici avec tes doigts vernis d’un vert turquoise, ton bandeau fuchsia et ta perruque blonde fétiche.

Tu finis tout de même par le regarder avec une détermination que tu te reconnais à peine, un peu lasse, mais tout de même désireuse de montrer tes preuves. T’es bonne dans les bricoles, la réparation et la vente, mais il y a plus à faire au sein des Cobras, dont le partage, alors tu prends un tablier de sur une cuisinière en lui en voulant intérieurement.

- T’es mieux de te bouger les fesses pour dix, car la princesse promet rien, le menace tu avec ton doigt chétif et un œil accusateur.    

Tu ne ferais surement même pas peur à un enfant, mais plusieurs savent que te sous-estimer est une énorme erreur. T’es pas une Dauthrus, mais tu ne laisses pas ta place lorsque tu dois placer une droite et ça, les Cobras le savent même si plusieurs te trouve trop féminine pour le groupe qu’ils forment. Que vous formez. Tu t’inclus dedans maintenant, c’est déjà une avancée en la matière, mais c’est une famille qui semble te retenir à ne pas couler. Qui ajoute une profondeur à la Nessie que tu as créée.    

Nessie est complètement perdue. Elle se lâche sur toi ! C'est parfaitement ce que tu souhaites. Tu l'écoutes avec un mince sourire condescendant : elle ne sortira pas de cette situation avant d'avoir appris le travail des Cobras ! Cette nouvelle recrue avait eu la force de demander à être entraîné à l'altruisme... Si la chose était plutôt intrigante, c'était à toi qu'elle avait fait la demande ! Tu ne laissais jamais ce genre de question en suspens. Ainsi y avais-tu mis tous les moyens. Certes, Nessie avait légèrement raison : tu avais visé plutôt haut pour la nouvelle qu'elle était. Mais après tout, c'était ainsi que l'on apprenait... Les Royal Cobras n'étaient pas un petit club d'échecs. Ils étaient efficaces, prêts et concernés ! Toi-même avait déjà expérimenté la gestion d'un refuge entier à toi tout seul. Tandis que le clan venait de surgir des tréfonds de Varakes, peu de membres étaient alors actifs au sein des Cobras...

Tu la laisses ainsi faire son caprice, bras croisés, attendant qu'elle se calme. Et tu auras eu raison ! Car c'est après quelques minutes de gestation, tandis qu'aucune réponse n'était sortie de ta bouche, que Nessie se décida à se mettre en marche. Tu en avais été convaincu. Elle n'avait rien d'autre à faire, la jeune fille ne pouvait que flancher face à la tâche que tu lui avais accordée ! Nessie t'en voulait, mais tu savais au fond qu'elle t'en remercierait. Tu lui souris cette fois-ci sincèrement, alors qu'elle te crache sa mignonne colère au visage. Tu n'avais aucune raison de répondre agressivement : il n'y avait aucune méchanceté dans les mots de ton acolyte. Seul son impulsivité face à la situation avait épicé ses mots. « T'inquiète pas Mère Teresa ! Ce ne sont pas des assistés. Tu sais, chacun de ses gens doit être plus solide que nous deux réunis ! » tu commences, afin de la rassurer légèrement. Il n'était évidemment pas question ici de leur changer la couche...

« Chaque jour, chaque nuit, ces personnes sont en danger. Elles craignent les petits gangs, les gros clans, tels que les Lions et les rumeurs cauchemardesques de la nuit ! Nous, notre boulot, c'est de leur assurer la sécurité. On ne peut pas être là vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais on les écoute, on leur offre de la nourriture, de quoi se défendre et vaincre le froid ! Ils sont déjà bien assez mis en danger par leur condition afin de les laisser voler maladroitement dans les riches quartiers de Varakes ! » tu poses ton doigt sur la clavicule de ton interlocutrice en souriant : « ça c'est notre travail ! Et tu sais, certaines de ces personnes sont même assez puissantes pour rentrer dans nos rangs. C'est arrivé parfois. ». Tu termines ton explication, et désormais... Fini de rire. Enfin, fini pour elle. Car dans ton cas, tu t'amuseras sûrement beaucoup ! Tu passes une main derrière son dos et la pousse en avant. Tu siffles afin d'avoir l'attention générale. « Hop ! C'est l'heure des présentations ! »

Il ne dit rien. Tu as l’impression que tu as à nouveau un compagnon qui regarde les gens et au lieu de les contredire ou d’argumenter, il les regarde grimper au rideau. Ce que tu es d’ailleurs en train de faire. Tu te sens ridicule d’élever la voix ainsi sur celui qui est sensé t’aider, mais qui finalement se joue bien de toi. Tu regardes son sourire condescendant, et tu ne sais pourquoi, au lieu de t’emballer et d’être plus fâchée comme tu l’aurais habituellement fait, tu te rends à l’évidence. Si tu oses faire partie du gang des Cobras, c’est qu’en quelque part, tu devais te mettre les bras à l’ouvrage un jour ou l’autre.

T’aurais préféré que ce soit dans un autre contexte, mais tu es encore une recrue, alors tu ne te permets pas de faux pas. Tu es d’ailleurs assez déstabilisée par ton jugement de valeur sur ces gens. T’es pas reconnue pour reconnaître tes défauts ni ton égocentricité, mais ça semble trop puissant ce sentiment de dégoût. Tu ne sais pas pourquoi tu es si déstabilisée par ces gens qui ne représentent rien ni personne en particulier pour toi. Cependant, tu as l'impression que ce n'est pas totalement vrai.

Le monologue d’Aspic vient particulièrement te chercher, sauf que tu ignores pourquoi. Tu as bien beau être du genre à t’émerveiller facilement devant les choses mignonnes, mais devant des paroles de ce genre, tu restes habituellement froide. Tu n’as pas l’habitude de connaître un sentiment de pitié pour des clochards ou des handicapés, même que tu les traites sans réel respect extravagant vu leur condition différente. Ils sont humains et tes réflexions s’arrêtent habituellement là.  

Lorsqu’il pose son doigt sur ta clavicule, tu ne peux que relever les yeux pour le regarder dans les yeux, faisant taire tes réflexions et ton soudain élan de compassion. Tu rêves ou tu aurais presque souris devant lui, alors qu’il parle de travail qui ne t’intéressait pas en premier lieu? Tu te dis que la journée sera peut-être cauchemardesque, mais qu’il allait gérer, après tout, tu ne devais pas être la première recrue qui rameutait ici, si? Peut-être qu’il ne renvoyait pas tout le monde non plus, mais il semble qu’il t’ait un peu trop cerné. Tu es une travaillante et travailler sous pression, semble être le meilleur moyen pour te pousser à donner ton maximum.

Il met une main derrière ton dos que tu juges protectrice en premier lieu, avant qu’il te pousse en avant et qu’il siffle pour attirer l’attention. Tu sens rapidement les regards portés sur toi, mais tout commence à tourner, et tu mets tes mains devant tes yeux pour comprendre ce qui arrive, mais tu n’y arrives pas. Tu ressens soudain une peur sans nom, sans raison. T’es pas une personne angoissé de nature, alors tu te doutes bien que ça n’a pas rapport avec toute cette attention porté vers toi, même que tu es celle qui la monopolise avec plaisir.

Ça repart, ce manège dans lequel tu ne voulais pas embarquer. Ses souvenirs qui t’assaillissent, alors que tu ne voudrais que les faire taire. Tu ne comprends pas pourquoi les gens veulent tant savoir, mais toi tu es pris avec et tu as beau essayer de lutter, ils arrivent en masse et toujours au moment que tu t’y atteins le moins. Alors que tu te souviens d’avoir été toi-même clocharde, ou du moins, ce qui le laisse suggérer, tu te remémores les dernières phrases d’Aspic : Et tu sais, certaines de ces personnes sont même assez puissantes pour rentrer dans nos rangs. C'est arrivé parfois.

Tu restes muette, ce qui n’est jamais arrivé auparavant. Tu essayes de débloquer ta gorge en raclant un peu, mais tu ne sais plus quoi dire. Tu es simplement là devant eux, avant de chercher mille et une façon de te présenter. Tu te retournes vers Aspic, le regard perdu. T’essayes de lui faire comprendre avec ton regard que tu as eu un autre souvenir, mais bon, tu ne parles rarement de tes problèmes et pour l’instant, il faut que tu montres que t’es à la hauteur.

- Alors, celle qui vous servira vos plateaux aujourd’hui, c’est Nessie. Je la connais très bien, je connais très peu celle d’avant, mais bon, on et là pour se rabibocher et pas pour se faire chier alors oublions le drame et qu’on passe à la bouffe et aux bons temps!
 
T’es comme ça. Tu animes un bar, pas un refuge de personnes âgés ni un refuge de clochards. Il te faut de l’action et puis, c’est pas ton truc les présentations. Tu veux en finir au plus vite, pour que le reste suive. Tu iras à leurs tables s’ils te le demandent ou si Aspic espère que tu socialises. T’as pas vraiment de problème avec ça, même si tu avoues que tu ne sais pas trop de quoi leur parler. Tu as juste cette foutue bribe de souvenirs, sans contexte, juste balancé comme ça en tête. Et t’aurais besoin de te rafraîchir ou d’un verre, mais t’es là, entourée. Avec Aspic que tu n’oses pas trop regarder, ne sachant pas trop si ton regard est cohérent.