In the tenderness moves all things {Hewei}

Tes pieds se font presque traînant alors que tu t'approches de la porte. Une drôle de sensation s'écoule autour de toi, tel des doigts parcourant ton échine. Éveillant des frissons, cette étrange sensation qui te dit que tu devrais peut-être faire demi-tour. Revenir plus tard ou mieux, retourner simplement chez toi. Impression que tu ignores, butée comme tu sais l'être quand ton pouvoir se manifeste. Tu n'as aucune envie de tendre l'oreille, d'ouvrir les yeux au subtile message que l'on tente de te transcrire. À la place, tu réajustes ta prise sur ton sac et redresse le menton, le défi bordant tes cils. Et tes pieds te guident jusqu'à la dite porte, là où tu redresses la main pour toquer doucement. Un respire, puis l'attente. Un moment, là où tes doigts s'égarent dans tes mèches, passent dans ces dernières et remet de l'ordre inutilement. Geste répétitif jusqu'à ce que la porte s'ouvre et la surprise s'empare de tes lippes. « Dewei… » que tu murmures, ton regard croisant le sien. Parce que c'est bel et bien lui qui se tient dans l'embrasure de la porte. Lui et son sourire facile, le regard toujours un peu trop pétillant à ton goût. Lui et ses mèches humides, attirant tes billes boisées avec curiosité. Quelques gouttelettes glissant contre ses tempes et c'est plus fort que toi, tu baisses le regard pour mieux cacher ce dernier avec ta main libre dans un geste vif. « Bon dieu ! » T'échappe et tu sourcilles, parce que tu sens déjà la mauvaise blague venir. Surtout avec lui.

Cependant, c'est déjà trop tard. Le rose te monte déjà aux joues, pigmente ces dernières d'un joli vermeille, ton palpitant ratant un battement. C'est sa faute, bien évidemment. Parce que répondre à la porte à moitié vêtu, à peine sorti de la douche – ou du moins, c'est ce que ses mèches humides t'indiquent – était quelque chose de parfaitement naturel pour lui. « C'était si difficile de te vêtir avant de répondre à la porte ? » que tu demandes, toujours cachée derrière l'éventail de ta main. Peux-t-il sentir le mordant derrière tes paroles ? Tu l'espères, à défaut de pouvoir lui lancer un regard noir. Tout de même, tu tâches de reprendre contenance, les épaules bien droites alors que tu écartes ta main pour plutôt lui faire signe de s'éloigner. Hors de question que tu te faufiles entre lui et la porte, tu n'étais pas du tout à l'aise à cette perspective. De fait, tu attends qu'il s'écarte, l'encourageant même en le repoussant du revers de la main, le tout avec l'air le plus impassible possible. Tu t'avances dans le studio, beaucoup trop consciente de sa présence derrière toi alors que tu te diriges vers la table, y déposant le sac. « Où est Phee ? » Tu te racles la gorge, ton regard cherchant les lieux pour la silhouette familière. Celle qui saura mettre fin à ton malaise. Seulement si tes billes sombres scrutent pour trouver ne serait-ce que des traces de boucles blondes, tu ne rencontres qu'une pièce vide. Le tout bien propre et organisé. Un léger parfum dans l'air, quelque chose de typiquement masculin. « J'ai apporté des gourmandises. » Des mots soufflés avec toi, soigneusement dos à lui. Tes doigts tripotant le sac, des vestiges d'une fragilité que tu te refuses en sa présence.

L’eau chaude coule sur ton corps, vient délier les muscles et faire disparaître la fine couche de sueur qui te couvrait. Cette sensation, c’est l’une des choses qui t’encourage à continuer de t’entrainer régulièrement. Ce n’est pas la brûlure des muscles qui se contracte, ni l’apparence musclée de ton corps, c’est plutôt le bien-être qui s’empare de toi une fois que tout est fini. Tu es sous la douche, du shampooing plein les cheveux quand ton sixième sens s’active. Doucement d’abord, l’alarme augmente en son dans ton esprit alors que tu te dépêches de rincer ce qui reste de mousse. T’as à peine le temps de mettre une serviette autour de ta taille que la sonnerie de l’entrée se met à résonner dans le petit studio. Tu n’es pas particulièrement surpris, mais tu ne sais pas qui se peut-être puisque tu n’attendais aucune visite. Peut-être que Phee avait invité quelqu’un avant de devoir partir en urgence pour le travail. Dans tous les cas, tu te rends à la porte presque dans ta tenue d’adam avant d’ouvrir cette dernière. C’est la chevelure noire et le visage surpris d’Hecate qui te fait face. « Hecate! Qu’est-ce que tu fais ici ? » que tu lances le plus naturellement du monde, agissant comme si tu étais complètement vêtu. Sauf que la réponse ne vient jamais. Au contraire, la demoiselle lâche une exclamation en cachant son regard. Les mots te viennent facilement, et tu tentes de les réprimer. Tu n’y arrives qu’un instant alors que la blague franchit tes lèvres sans attente : « Je t’en prie, appelle-moi Dewei ». Malgré ton manque apparent de bon sens en ce qui concerne une tenue correcte, tu es quelqu’un de bien élevé, et tu t’écartes ainsi pour la laisser entrer. Tu souris à sa question, car c’est bien ce que tu attendais d’elle. Comme Phee, elle était toujours si… stricte, rigide. Elle avait une idée arrêtée et ce qui en dérogeait la rendait mal à l’aise, alors que toi, tu accueillais l’inhabituel à bras ouverts. Enfin, c’était là toute la beauté du monde : la diversité des êtres qui l’habitaient. Elle entre finalement dans ton chez toi et tu fermes la porte derrière elle avant de la suivre dans le studio. Alors qu’elle se rend vers la table, tu vas jusqu’à la commode pour y sortir quelques vêtements. « Il y a eu une urgence au travail, elle devrait revenir bientôt. » Que tu lui dis en faisant le chemin jusqu’à la salle de bain pour t’y vêtir un minimum. Tu ne sais pas si c’est vrai par contre. C’est ce que ta femme t’avait dit alors qu’elle quittait le studio, mais généralement, elle revenait toujours plus tard qu’elle ne l’avait promis. Tu ressors de la salle de bain vêtu d’un jean délavé et d’un t-shirt blanc, alors qu’elle dit avoir emporter des gourmandises. « Tu veux un café ou un thé pour aller avec les gourmandises ? ou tu préfères attendre Ophelia ? » Vous étiez supposément mariés, amoureux… sauf que ça te faisais toujours étrange de ne pas utiliser son nom. Tu n’avais pas l’impression d’être assez proche d’elle pour l’affubler d’un surnom.

Si tu n'avais pas été aussi occupée à l'éviter du regard, tu lui aurais certainement fait la grimace à sa réplique ô combien attendue. Le nez froussé, le regard blasé. Mais non, tu étais trop occupée à rougir pour ça. La faute à sa carrure. À ses épaules trop larges et son torse si joliment découpé – pas que tu aies pris note de quoique ce soit du genre. Plutôt la faute à la solitude ancrée jusque dans tes os, voilà ce que tu prétextes pour excuser son charme. Et là, entrée et visiblement seule avec lui dans son antre partagé avec l'une de tes grandes amies, tu t'appuies d'autant plus sur cette excuse. Pour tourner la page, pour ne pas être affectée. Dewei t'as toujours fait l'effet d'une brise jouant dans tes mèches. Dérangeante, chaotique, te forçant toujours à remettre de l'ordre, mais fraîche. Tellement fraîche et agréable. « Il y a eu une urgence au travail, elle devrait revenir bientôt. » Sa voix s'égare ici et là, signe qu'il se balade et tu retiens un soupire. Tes doigts cherchent déjà l'ouverture de ton sac pour y ressortir ton téléphone et tu constates, non sans un léger désappointement, qu'elle ne t'a pas prévenue. Peut-être parce qu'elle considère revenir bientôt, comme Dewei te l'as si bien assuré ? Que tu ne patienterais pas bien longtemps ? Tu l'espères, parce que les sucreries que tu as apporté étaient faite pour être partager. Surtout avec elle, Dewei faisant plus office d'un plaisant brigand qui viendrait certainement choper quelque chose au passage s'il s'avérait présent.

« Tu veux un café ou un thé pour aller avec les gourmandises ? ou tu préfères attendre Ophelia ? » Tu pinces les lèvres, osant enfin te retourner vers lui. Tu luttes contre une légère gêne, intimidée par votre intimité forcée, comme à chaque fois que cette dernière se présentait à vous. « J'aimerais mieux attendre Phee. » que tu annonces, tirant sur une chaise pour t'y asseoir. Trop droite, trop silencieuse. Une poupée dans une vitrine avec son palpitant battant entre ses tempes. Une glace contre ton épiderme qui te fige dans un rôle, qui doit toujours être brisée – les remarques et les piques étant toujours un très bon moyen pour te mettre à l'aise en ce qui le concerne. Vous n'aviez jamais été fait pour être tendres envers l'autre, après tout. Ou du moins, c'est ce que tu tentes de te convaincre. Et tandis que tu patientes en silence, tu peux les sentir se faufiler. Tu ne devrais pas, que tu sens. Ils se glissent au creux de ton oreille, te murmurent que c'est inutile. Phee ne reviendrait certainement pas assez tôt, tu devrais accepter son offre, mais tu t'y refuses. Bornée, comme toujours. « Tu sortais de la douche... » que tu tentes de débuter, avant de réaliser à quel point cette remarque était inutile et déplacée. « Est-ce que tu comptais aller quelque part ? » que tu reprends, avec le plus grand naturel du monde, même si l'idée que tu le retenais présentement par ta seule et unique présence n'était pas des plus attirante. « Je peux repasser, si jamais. » Oui voilà, il ne pourra jamais dire que tu ne sais pas te montrer complaisante.

Vêtu et plaisant, tu tentes de te comporter comme un hôte parfait. Tu offres un breuvage alors que tu es en train de fouiller dans les armoires pour te servir quelque chose. Il suffit d’avoir des yeux pour comprendre que la demoiselle te trouve de son goût et il y a quelque chose de flatteur à voir ses joues se teindre de rouge, à voir son regard tenter de t’éviter. C’est malsain et complètement injuste envers ta femme, mais tu ne peux t’empêcher de la chercher, de créer des situations qui feront ressortir ces réactions chez la belle aux cheveux ébènes. Et pourtant, pourquoi devrais-tu te sentir mal ? Tu ne te souviens pas avoir dit je le veux à Phee, tu ne te souviens même pas avoir le moindre sentiment pour elle. Mais au fil des mois tu en es venu à l’apprécier… et tu ne veux pas la blesser pour rien. Alors tu t’en tiens à des flirts innocents. Sa douce voix s’élève, clair comme le cristal. « Non, je venais de m’entrainer… » La fin de ta phrase reste en suspens alors que ta vue se brouille, remplacée par un autre paysage. Tes sourcils se froncent et tu t’agrippes au comptoir pour ne pas tomber. Les émotions te prennent par surprise tant elles sont vives. L’angoisse de la demoiselle à ta droite, la colère qui gronde en toi, de plus en plus forte. Ta voix résonne, froide, vengeresse. Ça ne te ressemble pas, et pourtant tout ton être semble t’indiquer qu’il s’agit bel et bien de toi, seulement à une autre époque. Un anneau semble briller au doigt de la demoiselle et tes doigts se serrent sur le verre que tu as sorti. La vision se termine finalement alors que la glace explore dans ta main. « Fuck. » Un sacre t’échappe alors que tu sens les morceaux s’incruster dans ta main. La voix féminine semble encore résonner dans tes oreilles et tu tentes vainement à la replacer alors que ta main commence à saigner. Avec tout cela, tu en avais presque oublier la présence de la demoiselle dans ton salon. « Hecate… Tu peux m’emmener la trousse de premier soin dans la salle de bain? » Ta voix te semble étrangère, elle n’a pas la même tonalité que ton souvenir… mais ce n’est pas non plus le ton léger que tu emplois habituellement. Elle est probablement choquée… peut-être même plus que toi. Et ce n’est peu dire puisque tu as l’impression de te noyer dans ces nouvelles informations qui ne font pas le moindre sens. La scène ne cesse de se rejouer dans ta tête alors que tu regardes fixement ta main ensanglantée.